Il y a 2500 ans, Xénophon expliquait à un Perse qu'il obéissait à... des "lois plutôt qu'un roi". Depuis, on a écrit les droits de l'homme.

 

Des mots et des lois plutôt qu'un roi

L'homme invente le langage parce qu'il en a besoin pour exprimer ce qu'il pense. Le langage à son tour aide l'homme à développer ses concepts. Il s'élabore un échange entre le désir d'expression et l'outil, puis entre l'outil et le besoin de dire. Et l'homme devient toujours de plus en plus humain, si cela veut dire quelque chose. Avec l'ère de l'information, les mots accèdent à un nouveau seuil d'importance, les mots écrits (lettre et texte, e-mail, chat et texto) mais aussi les mots dits (audio, radio, mp3, mobiles), et les mots vus (vidéo, télé, cinéma). Les mots sont vivants ; leurs sens changent ou se galvaudent, mais ils sont tout de même nets et précis.

Ces mots, sertis dans le métal et rivetés dans le sol prennent une puissance impressionnante : ils montrent combien l'homme est capable de flirter avec le divin. Mais le divin, s'il existe un jour, c'est l'homme qui l'aura créé.
Justement ! Aucun de ces mots, sur lesquels on pourrait marcher sans y prêter attention, ne vient "d'en haut". Ces phrases n'ont pas été dictées par un dieu à un élu... ici, pas de transcendance ! Si le "sens" de la justice est peut-être inné chez l'homme, en tout cas il n'est pas révélé.

L'application des lois reste très imparfaite et c'est toute la complexité de l'homme et de ses rapports politiques ; mais nous les avons pensé, à moins qu'ils ne les aient pensé, pour organiser nos relations mutuelles, avec un esprit d'ouverture, et avec l'important bagages de 3000 ans d'histoire et 50000 ans d'humanité. Nos droits et nos devoirs ont été mis en forme par des orfèvres de la langue et de la justice, et ils ont été adoptés par les représentants d'une société qui, disait-elle, souhaitait offrir leur émancipation à tous les individus qui sont ses citoyens. Malgré qu'elle ait revendiqué les auspices d'un Être Suprême, mais peut-être est-ce une scorie dans le texte, l'Assemblée Nationale a eu l'ambition de fournir un cadre au bonheur de tous !

Les lois, c'est l'échappée des us tribaux, des "oeil pour oeil" claniques, de la loi du Talion, et des vengeances familiales ; c'est aussi notre protection face aux plus forts ou face aux dogmes religieux.

Les écrits d'Urukagina, et sans doute les codes, bien que dits d'inspiration divine, du roi de Summer, d'Ur et d'Akkad, Ur-Nammu, protégeant les pauvres, les veuves et les orphelins, et du roi Hammourabi, qui souhaitait que "le fort n'opprime pas le faible", puis les Grecs, Dracon, bien trop sévère, et Solon déjà plus cool, ont creusé les fondations de la justice. Clisthène l'a fait sortir de terre, en même temps que la première démocratie.

Il y a 2500 ans, un jeune chef grec, Xénophon, expliquait à un Perse qu'il obéissait à ses soldats-mercenaires, puisque ceux-ci l'avaient élu. Il était élu pour les représenter. Devant l'étonnement de son interlocuteur, Xénophon précisait que les Grecs avaient choisi des "lois plutôt qu'un roi".

Les lois, si elles sont à peu près respectées, sont donc la condition première pour que puisse naître l'individu et pour qu'il se construise librement. Les mots sont très forts : les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits... droit à la vie, à la liberté et à la sûreté... Nul ne sera tenu en esclavage... présumé innocent... Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée... droit de chercher asile... droit à la liberté d'opinion et d'expression... droit à la sécurité sociale... droits économiques, sociaux et culturels... un salaire égal pour un travail égal... droit au repos et aux loisirs... droit à l'éducation... éducation élémentaire gratuite... épanouissement de la personnalité humaine... compréhension, tolérance et amitié... vie culturelle... jouir des arts... progrès scientifique...
Écoutez l'article 29 : L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible.

"Seule", S. E. U. L. E... Quel poids énorme à ce petit mot pourtant si simple !

Mais gardons à l'esprit ce qu'exprimait Lawrence d'Arabie à propos de toute l'horreur mécanique du processus de justice, lorsqu'il lui était échu le devoir, en tant que tiers, d'exécuter un ami.

Et... une pensée pour tous ces hommes habillés de noir dont certains font des lois leurs petites affaires vénales.

Et n'oublions pas le philosophe, Aristippe je crois, qui se moquait en disant que la différence entre le sage et l'homme commun, c'est que le premier obéirait encore aux lois même si elles n'existait pas.

M.Alexis.M

màj le 27 avril 2015 à 18h56 Creative Commons by-nc-sa