Beaux-Arts 1979-1984
Travaux commandés, initiation et découverte
J'ai retrouvé des vieux cartons à dessins format raisin ; des travaux de premier cycle aux Beaux-arts de Pau (1979-1981) et des études pour peintures, deuxième cycle aux Beaux-arts de Toulouse (1981-1984). J'avais 20 ans, trop jeune, pas assez vieux, sans regrets, mais à refaire... Les supports ont vieilli, de caves en greniers ils ont pris l'eau et les UV, ce qui leur donne ce délicieux cachet qu'on voit aussi sur les esquisses des maîtres anciens, au moins un point commun avec eux... |
Découverte de soi à travers l'apprentissage technique. Le temps des études est un temps magnifique d'éclosion, de certitudes dont on a besoin, et de doutes terribles ; parce qu'il faut des rêves inutiles et des repères dans une époque post-trente glorieuses, après les premiers chocs pétroliers, les promesses de chômage et de précarité, la peur du sida qui a balayé les autres MST, et pour clore ces belles années, le feu d'artifice de Tchernobyl. |
Visite commentée sur papiers jaunis
Première année aux Beaux-arts de Pau ; cours de graphisme avec Mme Caze (bons souvenirs :-) Je crois que le sujet était la trame (la répétition ?) Encre de chine et plume sergent-major (1-14), crayon sec et mine de plomb (15-19), impressions de tissus repris à l'encre de chine (20-25), papier noir à gratter dont j'ai oublié le nom (23, 26-32).
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Ces principes de répétition, mais aussi les travaux d'Escher (avant qu'il soit presque obsessionnel), m'avaient poussé à m'intéresser aux céramiques azulejos de l’Alhambra. L'idée est qu'un seul carreau (ici, un lino gravé) peut générer une infinité de motifs selon son orientation, puisque les quatre côtés sont identiques, donc jointifs. La couleur est celle d'un bête tampon encreur :
Instructions du prof principal (M. Caze ; le M. de la Mme. ci-dessus... bons souvenirs) : choisissez un objet parmi ceux avec lesquels vous travaillez tous les jours, un objet commun de votre attirail. Vous le garderez et le dessinerez toute l'année... J'avais choisi la lame de rasoir type Gillette, parmi le crayon, le pinceau ou la gomme.
"Déformez votre objet librement, progressivement". Goût douteux, mais je m'étais amusé ; je me croyais libre :
Natures mortes au crayon, en lavis, ou au trait à l'encre de chine, travaux imposés, fait à reculons :
Plus académique, il fallait faire du modèle vivant. Les cours étaient à 9h du matin, j'y ai donc peu dessiné. J'ai obtenu mon UV en arguant qu'il était cruel d'imposer le dessin de nus à des jeunes hommes de 18 ans, alors qu'on était plutôt tenté de toucher que de dessiner :
J'ai aussi pratiqué la photo et le développement photo argentique n&b, la sérigraphie, la peinture sur tissu, et... et, belle découverte, la gravure à la pointe sèche et à l'aquatinte. Ici, récupération d'une plaque de gravure usagée, rongée aux bains d'acide. Le dos des plaques présentaient parfois des accidents, des tâches révélant des formes intéressantes en les passant tels quels sous la presse, puis en retravaillant à la pointe sèche ce que l'imaginaire y voyait. L'imaginaire post-adolescent un peu "gore" :
Photo
A propos de photographie, le laboratoire, les ASA et les ISO, changer de pellicule dans une pochette noire, tout ces exercices "techniques" me paraissaient très loin de ma sensibilité artistique, comme si la technique du pinceau et de la pâte n'avaient rien à voir avec la technicité de la mécanique photo. Hormis quelques jeux à la Man Ray (rayographies).
Je n'ai donc pratiqué la photo sérieusement qu'à l'arrivée du numérique. Mon premier appareil, un Sony Mavica 640 x 480 à disquette. 4 ou 5 photos par disquette ! 1000 choses provocantes à dire et à débattre sur la photographie et ses photographes, sur le massacre bienvenu de l'illustration par la photo, puis sur le saccage bienvenu de la photo par le numérique à 10 balles et le smartphone...
Provo : ni le dessin ni la peinture non plus que la photo ne sont de l'art tant qu'ils sont techniquement "réservés". Notre siècle saturé d'image est excellent car il tue l'image jusqu'à nous obliger à nous demander où est l'art.
Quelques restes épars :
Second cycle, aux lumières de Toulouse, quai de la Daurade. Esquisses pour peintures. Certaines n'ont pas abouti d'autre si, mais où sont-elles ?
Fric
Quelques fois, il me fallait essayer de gagner de l'argent et produire des choses vite peintes et vendables pas cher, donc... aquarelle. J'ai découvert là une pratique plus immédiate, plus "jetée", qui m'a invité à repenser ma façon longue, lente et laborieuse d'aborder l'image :
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Et... ceux-là ne sont plus des dessins ; c'est du numérique de la toute première heure, réalisé avec un des premiers scanners disponibles en France sur un PC 8086 "eXTended" (!) à carte graphique Hercule et écran vert monochrome, qui coûtaient une fortune... Découverte d'un autre monde dans lequel j'ai basculé après mes études (professions : typographie, multimédia, audio-vidéo, réseau - merci petit-frère, et salut petite sœur.
"Quelle est ta démarche ?"

De plus, les profs "modernes" prétendaient qu'il n'était plus permis de faire de la peinture façon classique, réaliste, représentative. C'était l'époque du support-surface, Viala, Di Rosa... Un aréopage de ceux qui préparaient au DNSEP m'avait donc convoqué pour que je défende... ma démarche. Indéfendable. L'un d'entre eux avait alors pris la peinture dont l'esquisse est ici à gauche, et l'avait déposé dans une poubelle. Imaginez ! Un étudiant face à cette équipe enseignante de quadras et quinquas... J'étais allé récupérer ma peinture en répondant que c'était pourtant ce que je voulais faire, que je voulais apprendre ces techniques classiques, même si je ne savais pas bien pourquoi. Les profs "nationaux" m'avaient alors réclamé un écrit, commentaire de cette peinture poubellisée. J'avais joué le jeu, j'avais fait semblant, et m'étais finalement amusé à tirer du sens, certainement faux, à forcer les symboles de l'image ; attention, on écrit ce que l'on peut à 20 ans, c'est à la fois prétentieux et sur la défensive... et il me fallait l'UV : document PDF de quelques pages.
Je veux en profiter pour écrire ici toute la reconnaissance que j'ai pour Daniel Schintone, mon professeur de peinture. Il m'avait encouragé dans la voie que je voulais (M. Schintone était un "dinosaure régional") et m'avait guidé malgré mes propres peurs ; peur du grand format, peur de la couleur... Daniel Schintone était aussi un grand diplomate dans ces engagements polémiques qui opposaient nos factions aux Beaux-arts. Et, il y avait autant d'élégance dans sa peinture que dans sa personne, sa tenue, sa conversation.
Bien sûr, le fameux bouquin de Xavier de Langlais, incontournable, m'avait aussi apporté beaucoup.
L'art africain colonisé
1ère année de 2ème cycle ; l'étudiant part en stage, c'est pas nouveau. Bien sûr, dernière minute, j'ai profité d'une offre de voyage au Cameroun pour prétexter une idée de stage : l'état de l'art en Afrique. Les profs ont accepté, j'ai mené l'enquête, j'ai écrit un truc, qu'aujourd'hui je ne trouve pas si nul... à propos d'un continent colonisé jusqu'au fond de sa créativité, mais protégé peut-être par sa vitalité : l'art africain actuel
Déco au théâtre Sain-Louis de Pau
J'avais participé, embauché, à la décoration du théâtre Saint-Louis de Pau, fief de André Labarrère, qui voulait y héberger son festival de théâtre, dirigé par Roger Hanin.
Un chantier de plus d'un an, une équipe de 3 peintres des Beaux-arts de Toulouse (Marie-Louise, Yves et moi) sélectionnés pour savoir tenir un pinceau. Passionnant ! Réalisation de manteau de scène, macarons et autres décors, et reproductions des balcons et du plafond depuis des peintures de petites dimensions de Janette Lacay-Burato (disons... façon Chagal). Décorateur, Jean-Louis Bernes-Daruka.
anecdote
Elle m'avait dit : "C'est quand même bien sombre ce que tu fais ! Peints-moi une barque sur une plage et je te l'achète." ...
En emportant mes vieilles peintures pour les remiser au fond d'une grange, je comprends une chose :