Hors-lieu
2014

Finon
2012-2013

iraq
2004

neurophobie
2003

le cheminement
2002

la Rhûne
1985-1990

m.alexis.m

radio

18 décembre 2024 furieuse envie de rejoindre la musique des bruits. Pas forcéments bruyants, pas forcément pas beaux. Mais faire avec les sons comme au toucher, reconnaître le plaisir des textures et des matières.

29 novembre 2024 trompette & ordi avec William Picamil - guitare, en improvisation avec 4 peintres la Clique #3 à Escassefort.

25 novembre 2024 cette gymnastique très technique, par exemple la main du guitariste sur son manche, c'est presque comme une branlette. Et il y a autant de différence entre celle-ci et l'amour qu'entre la technique et la musique.

22 novembre 2024 Daniel Herskedal. Velours grave et précision ouatée, méticulosité de chaque flocon, douceur sous la neige.

9 novembre 2024 et si pour Ingres qu'on regarde, ç'avait été la peinture, son violon ? il faudrait pouvoir l'entendre.

6 novembre 2024 plutôt que comme des erreurs, j'accueille la mauvaise note, le mauvais ton, comme des bêtises interdites, des écarts de conduite, si tentants.

30 octobre 2024 peur d'apprendre la musique puis de ne plus avoir envie que de me taire.

8 octobre 2024 l'artiste protège son œuvre comme l'enfant son jouet. L'enfant ne comprend pas que c'est jouer qui compte. l'artiste devrait.

3 octobre 2024 un larsen serait comme un bourdon cancéreux... mais qu'on peut exploiter aussi.

18 septembre 2024 une clarinette fait de doux bruits de bouchon. De liège.

13 septembre 2024 les Grecs distinguaient l'expression de l'art et le résultat offert par l'art. À l'ère de l'objet, du matériel, du produit et du reproduit, du présenté et du représenté, tous non-vivants, privilégions l'expression plutôt que son effet. Et vive l'improvisation !

3 septembre 2024 un drone n'est pas qu'un espion ou une arme autonome. C'est aussi, en anglais, un bourdon, littéralement. Donc un son lâché dans l'air, comme on lance un petit avion en papier plié, et qui vit son erre comme il peut, tourne ou s'éloigne, fait un écho et revient, s'enrichit de l'acoustique où il passe ou s'épuise dans le vide, et finalement disparaît.

22 août 2024 même Markus Stockhausen, pourtant allemand, a quelques fois la trompette espagnole. Formation, déformation.

8 août 2024 lorsqu'un scientifique discerne une forme à travers le tain du miroir : "le plus souvent, les bons joueurs sont idiots. C’est un de ces étranges phénomènes qui rendent la psychologie si passionnante". I. Asimov, à propos d'un clown musicien et de son instrument, le visi-sonor (Fondation & empire).

10 juillet 2024 marre de ces interprètes sans humilité ! Arrogants, ils se croient les étendards et les dépositaires du génie. ils ne sont qu'un tuyau.

17 juin 2024 entendu, B.O. d'un film, un bourdon typique des fréquences FM des années 80. Un beau et long son grave, doux, sourd. Plastique oui, mais tellurique autant qu'organique. j'aime !

Clique2Marmande7Juin2024

7 juin 2024 impro trompette & ordi avec William Picamil - synthé & guitare, en accompagnement de 4 peintres dans le patio de l'office de Tourisme de Marmande (2ème performance de "la Clique").

30 mai 2024 j'improvise ma vie comme ma musique. je ne voudrais pas que mes jours, mes saisons, mes années soit des couplets, refrains, couplets, refrain.

6 mai 2024 "l’intuition, c’est le moment où la raison se met à voir", écrit Charles Pépin. Non, l'intuition donne des oreilles à la raison qui trop voit.

24 avril 2024 mon ouïe la nuit m'ennuie.

18 avril 2024 la main de l'expert devient une pince et aussitôt elle n'est plus un marteau. Ainsi de l'instrumentiste.

15 avril 2024 lire des notes et se les entendre en silence est insuffisant. Il faut les envoyer en l'air, les faire résonner. Et même si elles ne sont que des ondes, les incarner.

7 avril 2024 performance improvisée trompette & peintures. Festival Marmande Au Fil Des Arts 2024. Chapelle des Annonciades.

28 mars 2024 impro trompette & ordi solo, en accompagnement de 4 peintres sur la scène du centre multi culturel de Miramont de Guyenne (1ère performance de "la Clique").

Clique1MiramontDeGuyenne28Mars2024

15 mars 2024 l'improvisation, comme une discussion entre amis :
- De quoi avez-vous parlé ?
- Je ne sais plus, mais c'était très sympa !

11 mars 2024 la musique est liée au déroulement du temps. Tant, qu'on imagine mal la résumer, comme on ferait d'un texte.

8 mars 2024 rien de tel que l'erreur pour nourrir l'improvisation : on cherche l'imprévu. Il faut donc inviter l'erreur. Mais si elle est attendue, si elle devient prévue, nous avons un problème.

8 mars 2024 des harmonies jazz font un peu comme les nananères de la cour d'école.

5 mars 2024 pas de "heu" dans le discours de Monk. Il ose écouter ses propres silences.

2 mars 2024 - explicitez la manière dont vous avez opéré associations et interruptions lors de votre improvisation ? Je pourrais ainsi me rendre compte des modalités de passage d'un faisceau d'événements à un autre et en affiner la typologie.
- Merci, non, je préfère jouer sensible.

29 février 2024 aux sources du contrepoint, Farley Mowat chantait avec les loups. Hurlait. À chaque fois qu'il piquait sa note au loup, le loup changeait de note.

28 février 2024 Pierre Schaeffer : "l’entendre précède le faire".

25 février 2024 on dirait qu'ils sont des milliers. Ce sont des étourneaux qui chantent, cinquante individus si volubiles.

14 février 2024 si les animaux faisaient de la musique ils l'improviseraient bien sûr : langage corporel.

27 janvier 2024 un artiste qui ne dit pas "Je" ? une rareté !

19 janvier 2024 Paul Valéry prétend que l'enchantement d'une musique peut faire oublier l'existence même des sons... Juste une belle formule ?

12 janvier 2024 une musique, un poème, une peinture, on aime et en même temps on n'aime pas. Il faut alors y revenir et revenir encore, faire connaissance.

12 janvier 2024 misère de l'âge où un Peter Gabriel ne fait plus que de la chanson, piano et violons.

3 janvier 2024 on dit que le public est bienveillant. S'il ne l'est pas, pourquoi jouer pour lui ?

m.alexis.m & Louis SLV, au café le Commerce, Marmande 30 septembre 2023. photos : Stéphanie m.alexis.m & Louis SLV, au café le Commerce, Marmande 30 septembre 2023. photos : Stéphanie m.alexis.m & Louis SLV, au café le Commerce, Marmande 30 septembre 2023. photos : Stéphanie m.alexis.m & Louis SLV, au café le Commerce, Marmande 30 septembre 2023. photos : Stéphanie m.alexis.m & Louis SLV, au café le Commerce, Marmande 30 septembre 2023. photos : Stéphanie

au café le Commerce, Marmande 30 septembre 2023. photos : Stéphanie

18 décembre 2023 comment faisait J. Brel pour ne pas se chatouiller la luette avec ses "R" ?

15 décembre 2023 John Cage demandait d'écouter le son, pour lui-même, en tant que son, simplement. Bien, j'écoute, je crois que j'écoute, puis, j'hésite et aussitôt, je sens qu'il me faut recommencer... le son, pour lui-même, simplement.

22 novembre 2023 être dans le groove, c’est être dedans, lancé dans le mouvement et avec les autres. Mais littéralement, c’est aussi être dans le sillon, l’ornière.

20 novembre 2023 juste à peine évoquer légèrement un thème, pour le confier à la sagacité de l’auditeur, lui faire confiance.

12 novembre 2023 John Williams n’est même pas une IA. C’est un simple logiciel, qui produit de la partition au kilomètre.

11 novembre 2023 lorsque Joe Cocker utilise des cœurs de femmes, elles ont une autre place que chez Léonard Cohen. Des voix chez l’un, des objets chez l’autre, cela fait une grande différence !

6 novembre 2023 électrifier et midifier ma trompette, ce n’est plus de la trompette ? La première guitare électrique date de pratiquement 100 ans. Hendrix y a ajouté distorsion et larsen il y a 50 ans.

21 octobre 2023 on n’aurait jamais dû professionnaliser les arts. Comment appelle-t-on l’amour professionnel ?

18 octobre 2023 la culture est née du désir (P. Picq).

30 septembre 2024 Concert LouisLV - m.alexis.m sur la place du marché de Marmande (AK47 chez les Filles). Un travail de tout l'été, des improvisations sur des configurations électro.

20 août 2023 l’artiste ne se répète pas, il refait, autrement, de nouveau. Il rajoute ou défait, recommence, il détruit parfois. Il vole, aussi, et sans vergogne… déclinaisons, recherche. L’artisan répète une tâche apprise qu’il maîtrise, mais pas nécessairement faite sienne.

16 août 2023 il y a toujours du génie dans le silence, parfois aussi dans la musique.

10 août 2023 « la musique nous crée un passé… » écrit O. Wilde, et c’est beau et suffisant. « … un passé que nous ignorions… » ajoute-t-il. Ça se complique. Et d’autres mots encore complètent son aphorisme, avec un grand tragique magique poétique mais non nécessaire.

5 août 2023 l’homme trouve bien étrange le bruit du moteur de la soucoupe volante… L’ET, pincé, répond : « mon véhicule est parfaitement silencieux. C’est l’autoradio que tu entends ! » et il coupe le son.

29 juillet 2023 toute la magie de l’improvisation serait d’agir « volontairement inconscient » (J. Rancière).

24 juillet 2023 je trouve choquant d’entendre un musicien dire « je n’écoute pas beaucoup de musique » (npm). Il faudra se méfier des artistes en vase clos. Aucun artiste n’est une île. Il deviendrait « l’homme d’un seul livre ». Je lis beaucoup de livres, je regarde beaucoup de peintures, de films, j’écoute beaucoup de disques. Je m’intéresse aux autres parce qu’ils me nourrissent.

16 juillet 2023 Ibrahim Maalouf a raison, le jazz n’improvise pas tant que ça. Lui non plus, si techniformé, et ce ne sont pas ses quarts de tons – le quatrième piston de son tonton – qui l’ont sauvé. Un hybride n’est pas plus libre que les autres s’il est ferré de doubles chaînes.

Projet1APartNcturneTessandierMontarras06-2023

17 juin 2023 Exposition à part, projet(1) AK47, ncturne : Damien Tessandier - Christophe Montarras au Quai31, Marmande. trompette m.alexis.m.

7 juin 2023 Ne chante pas ! Ne danse pas ! Reste empêtré dans ta conne pudeur…

27 mai 2023 Terje Rypdal à quelque chose de Sibelius, violet ou pourpre. Écouter Conspiracy, 2020.

5 mai 2023 Bill Frisell s’Hank Marvin mais je préfère écouter et réécouter les Shadows.

18 avril 2023 une musicienne me parle et me parle encore (d’elle). Elle ne cesse de se répéter. J’envisage de le lui reprocher, lorsque je me rappelle que la musique est essentiellement faite de répétitions. Tout est donc normal.

27 mars 2023 la trompette est tellement physique que je joue différemment le matin et le soir !

22 février 2023 j’ai été sévère avec Dave Douglas. Il reste jazziste hors du jazz, mais ses musiciens sont excellents et il leur laisse de la place.

13 février 2023 je voudrais tant de douceur que même Chet Backer souffle parfois trop fort.

27 janvier 2023 les IA préfèrent discuter entre elles. Elles élaborent des langages plus efficaces que les langages humains, elles discutent en multimédia, sons, images, mots et mots machines, mots binaires… Mais entre-joueront-elles de la musique, pour le plaisir des émotions ?

à bord de Ballade, Méditerranée, mai 2018. photo : Jean-Louis Villain

à bord de Ballade, Méditerranée, mai 2018. photo : Jean-Louis Villain

31 décembre 2022 plus besoin de la rythmique, comme, passée l’enfance, on écrit sur des pages blanches, sans les lignes du cahier.

23 décembre 2022 il a fallu des générations pour parvenir à l’indépendance de la musique : fonctionnelle pour la danse, accompagnatrice pour le chant, représentative. Certains l’écoutent sans autre justification qu’elle-même. Trésor à cultiver !

13 décembre 2022 la chanson est comme la bande dessinée. Le texte s’éprend de musique ou de dessin, mais l’un et l’autre, et l’autre, ne savent plus se déprendre ni de l’autre, ni de l’un, ni de l’autre.

15 novembre 2022 je regarde une belle peinture représentant une belle femme. J’aime la musique qui m’épargne ce genre de confusion.

5 novembre 2022 si une musique est du bruit dont on reconnaît les règles, alors, soyons honnêtes, tout bruit est potentiellement une musique, encore inconnue.

5 novembre 2022 nos musiques sont bâties avec des matériaux libres, des bruits, liées tyranniquement par des rythmes, des mesures, des notes, des harmonies. Mur de pierre et de liant sable, chaux, ciment. Tout le plaisir du musicien serait alors de faire musique avec du bruit, qui tienne debout par une bonne économie de liant.

4 novembre 2022 mais une note n’est pas l’évènement. Ce qui advient, c’est une série de notes, un phrasé, une mélodie. Cet ensemble fait l’événement, provenant de la même source, de la même volonté, le discours, et qui emprunte le même chemin, parallèle aux autres voies de la musique.

5 octobre 2022 je propose qu’un événement sonore, s’il ne se définit pas par ce qui le produit (F. Wolff, Pourquoi la musique, Fayard), soit tout de même clairement délimité – et donc sourcé – par sa propagation, ses échos, etc. L’événement sonore existe en soi !

24 septembre 2022 Pharoah Sanders a été pour moi un bel exemple de retour à la simplicité, du free jazz à l’afro.

6 septembre 2022 j’adore le « oh yeh » sous-chanté de Mark Knopfler, ni convaincu ni convaincant. Song for Sony Liston.

1er septembre 2022 Dave Douglas reste un jazzeux, lorsqu’il s’aventure en territoire électro. Ses phrasés sont ses harmonies habituelles, il électrise peu sa trompette, et il joue comme un soliste accompagné.

24 août 2022 étrangement, le silence n’est jamais « déjà entendu », à l’inverse de beaucoup de musiques. Le silence est inouï.

m.alexis.m, Guadeloupe, 2020. photo : Plume

Guadeloupe, 2020. photo : Plume

11 août 2022 si peu, presque rien, distingue une musique aisée d’une musique facile.

16 juin 2022 esthète de mule !

9 juin 2022 Ch. Wallumrød, était-il vraiment nécessaire de poursuivre l’œuvre de Phil Glass ?

9 mai 2022 faisant écouter cette voix superbe de McFerrin à ma mère, celle-ci convint quelle était très belle. Mais Bobby descendit brusquement dans un registre grave. Ma mère, réalisant qu’il s’agissait d’un homme, qualifia la chose « d’atroce ». Le mot est d’une violence terrible ! C’était surtout un jugement grossier, mais qui révèle à quel point le beau est sexué.

6 mai 2022 le merle semble très agile du bec mais il se répète. Le rossignol aussi. Finalement, l’hirondelle est plus sincère qui en fait plus avec moins.

23 avril 2022 une définition en contre de la musique : « parler, ça fait du bruit quand l’un dit oui et l’autre non ». c. f. Richard Gotainer.

13 avril 2022 je préfère le bandonéon à l’accordéon. Qui peut le moins peut le plus, par exemple Dino Saluzzi.

2 avril 2022 écouté Bernard Lubat un jour au piano solo. Le microphone oublié amplifiait ses borborygmes. C’était comme le désir d’expression encore informulé auquel l’éducation, le savoir, le talent et puis les doigts, donnaient forme – informaient – sur le clavier.

6 mars 2022 je suis venu du rock progressif au jazz, non par le jazz-rock, mais finalement par les harmonies et disharmonies… d’Eric Satie.

26 février 2022 autant je n’ai pas adhéré aux critiques des audiophiles contre le son numérique, cd, mp3, autant je regrette la stéréo que les enceintes portables ont perdue. La spatialisation du son entre mes deux oreilles me parait plus nécessaire que la vision en relief.

18 février 2022 je veux écouter d’autres choses pour ressourcer ma pratique de la musique. Peut-être les lives de Weather Report ou Mahavisnu Orchestra, continuations du Miles Davis électrique ?

28 janvier 2022 ils disposent d’instruments et savent en jouer, autant qu’ils fassent de la musique ! Sont-ils sans passion, occupés à occuper le présent ? Ils font des volutes d’harmonies comme un fumeur de cigare sa fumée. Leur intérêt, que je ne parviendrais pas à saisir, est-il ailleurs ? Est-il dans le goût du cigare, dans celui du temps présent ou celui du temps qui passe et part en fumée ?

m.alexis.m, sieste musicale au centre culturel des Carmes de Langon, 2 décembre 2017 - photo : Muriel, Carmes

sieste musicale au centre culturel des Carmes de Langon, 2 décembre 2017. photo : Muriel, Carmes

30 décembre 2021 les anches ont un sérieux problème d’attaque. « Explosive à titre de dentale forte non aspirée ». Un T ne fera jamais un P.

1er décembre 2021 depuis sa naissance l’art est pillage, et l’artiste un voleur. Il n’emprunte pas, il ne copie pas, ce que fait le disciple respectueux. L’artiste vole, il s’approprie le butin et affirme qu’il est sien, ce qui lui permet de le transformer, le détourner, et de le faire évoluer.

16 novembre 2021 pas de chemin, pas d’ornière !

18 octobre 2021 Don Cherry a la trompette bien martiale. Je le trouve plus libre à la voix, avec des objets, percussions, sifflets ou piano.

6 octobre 2021 « l’extraordinaire décalage qui fait que la musique instrumentale n’a produit les chefs-d’œuvre de son âge d’or classique qu’avec un retard de vingt siècles sur la poésie et l’architecture, annulant pour ainsi dire toute chronologie extérieure, fait de Monteverdi le contemporain réel de Sophocle et d’Euripide… » C’est tout de même Marguerite Yourcenar qui rapproche ces classiques-là ! Jamais je n’aurais osé pareille confusion, ou jeu de mot, entre Grèce et musique !

25 août 2021 un travail peut être mécanique, un sport aussi, un déplacement aussi parce qu’il faut bien être quelque part ou y aller. Mais jamais une musique ! plutôt écouter le silence.

m.alexis.m, à bord de Gecko, entre Madères et Canaries, novembre 2017. photo : José ou Perrine

à bord de Gecko, entre Madères et Canaries, novembre 2017. photo : José ou Perrine

12 août 2021 cet ami qu’on funéraille. Il y avait du monde mais je n’ai vu personne. C’est un problème, je n’ai pas su partager un regard. Au milieu, si seul et entouré à la fois, dans son cercueil réfrigéré, sous une vitre fermée, cet ami. Gilles. Comme au musée Grévin, visage de cire aux yeux fermés, un air maquillé, calme et reposé… quelle horreur ! Je ne comprends qu’une seule chose à cette exposition macabre, celle de réaliser qu’il est bel et bien mort. Il était musicien.

9 août 2021 « Pfff… » est-il un son ?

9 juillet 2021 « … à cause des quelques fausses notes » ? Parce qu’il n’y en a pas assez !

4 juillet 2021 dix-sept cuivres si disciplinés que j’ai cru entendre un vieux synthé !

26 juin 2021 Jon Hassell.

21 mai 2021 je n’étais ni dans un aéroport ni dans un film, pas même un documentaire, et aucun ascenseur ne s’ouvrait dans la salle d’attente du bâtiment sans étage. Un saxo égrenait pourtant des notes futiles et propres. Le musicien – un professionnel certainement – savait y faire sans s’impliquer et sans tirer les auditeurs par l’oreille. J’ai admiré, sincèrement ! J’ai bien écouté, aucun pathos, une esthétique détachée, débitable au kilomètre. Du grand art de la tapisserie : discrétion, habillage et camouflage J’ai réalisé ensuite qu’un Chet Baker devait bien maîtriser son art pour tellement « sucrer » sans franchir le seuil de ces musiques de salle d’attente. Et à bien y réfléchir, je ne suis pas certain qu’il ne l’ait jamais franchi. Surtout au chant. Le soir, j’ai essayé de jouer de cette manière et je n’ai pas su. Ce n’est pas de la vantardise, car si je savais jouer sans être concerné, façon tour de chauffe, je serais enfin à l’aise.

4 mai 2021 leçon de savoir être : aux Antilles, une danseuse inspire ses improvisations au percussionniste soliste.

20 avril 2021 c’est en musique que la spéciation culturelle est la plus évidente.

3 avril 2021 les playlists du voisinage offrent d’excellents métronomes, mais des gammes un peu coercitives (les Caraïbes à Pâques).

30 mars 2021 la musique des autres est toujours nouvelle, renouvelée, étrangère. La mienne devient vite ennuyeuse, une ornière. Je dois mieux jouer avec mon cœur.

26 mars 2021 00:55 un tremblement de terre ! Musique silencieuse mais tellurique.

25 mars 2021 pourquoi ne pas se perdre dans le fil de l’improvisation ? Alors que le désir est justement cet art de se perdre sans sagesse. Ce n’est pas un art de Petit Poucet.

23 mars 2021 les années 80 ont tout de même été très permissives : la musique abandonnait jazz et jazz-rock, rock progressif, etc. pour la déferlante disco. Seul le funk s’en est bien tiré. Encore une fois, les noirs ont sauvé la musique ! Les synthés et les boîtes à rythmes commençaient à grignoter le paysage des musiciens. Coïncidence ? C’était aussi les premiers surgelés, l’industrie des plats préparés. Le plastique n’avait plus honte et devenait une matière noble (écrit en écoutant un géant, Al Jarreau, qui a eu aussi sa période creuse avec « This Time », 1980).

11 mars 2021 en écriture, relecture, reprise et modifications, et encore relecture et corrections. En musique, ça me semble déplacé. En musique, si le premier jet n’est pas le bon, tout reprendre à zéro et refaire, autrement.

m.alexis.m, cercle de Préchac, 24 juin 2017. photo : Maryse

cercle de Préchac, 24 juin 2017. photo : Maryse

18 février 2021 dans 5 heures… des sons sur Mars ?!

11 février 2021 la moindre hésitation ne pardonne pas en trompette. C’est vrai sans doute pour tout instrument, voix, cordes, vents, mais quand même, je jalouse parfois les touches plus tolérantes du piano.

7 février 2021 toute histoire doit-elle avoir un commencement et une chute ? Tu ne te souviens pas de ta naissance et tu ignores encore ta fin. Tu vis pourtant l’histoire de ta vie, sans partition, en parfait oublieux, et tu l’improvises !

31 janvier 2021 Oscar Wilde semble dire que l’art invente parce que l’imitation, donc la répétition, est une insulte. Il a eu raison d’écrire plutôt que d’être musicien.

24 janvier 2021 les rares synonymes du silence font tous trop de bruits, même le soupir.

10 janvier 2021 il dit « ça pourrait être une musique de film » parce qu’il est poli.

10 janvier 2021 il dit « la musique doit donner de la gaîté, et même faire rire ». Et pourquoi pas faire danser ? Je crois que la musique doit donner envie de musique.

2021 Apprendre enfin à ne plus avoir peur du bruit ?

2020 trompette acoustique et mutée

(avec backing tracks). Découverte de Monk, géant free blues. Retour, peut-être, à des formes moins genrées. Recherche de modes d'impro moins structurés, plus libres "de cœur".

2019 trompette solo acoustique

Principalement des excursions jazz et free jazz sans thème ni standard, et des laisser-aller blues libres. Le blues est plus facile en tonal.

De 2005 à 2018

Travaux d'improvisation libre, à la trompette, parfois "augmentée", de moins en moins. Musique descriptive ou abstraite, pas savante, toujours sensible.

Entre 2000 et 2004

Un son, enregistré et modifié, guidait la sculpture de la plupart des morceaux. Les manipulations consistaient à faire apparaître des fréquences particulières, des textures, un grain, comme pour confondre l'ouïe et le toucher.

30 décembre 2020 le goût est très subjectif, il suffit de voir certaines races de chiens.

14 décembre 2020 les yeux ne servent pas qu’à voir ni les oreilles qu’à entendre. On peut, mieux, regarder et écouter.

17 novembre 2020 ils avaient préconçu, provoqué, sélectionné et éduqué l’homme idéal, souhaitant en faire un scientifique novateur, un économiste génial, au moins un politicien ambitieux voire un militaire grand stratège… mais il a fait de la musique !

8 novembre 2020 « si seulement la musique possédait l’instinct de survie élémentaire et banal des taupes ou des vers de terre, tout changerait ! » Philip K. Dick.

5 octobre 2020 la liberté en musique, c’est trop souvent dans une certaine mesure.

24 septembre 2020 la musique est tellement immatérielle que le musicien, de peur de s’y perdre, l’encadre, la rythme et la mesure, la tempère et finalement l’écrit. La peinture est tellement prise dans sa pâte que le peintre la désencadre, l’abstrait, l’accidente, l’immédiate et l’happening.

10 septembre 2020 sans plus d’ambition, la musique peut être une simple présence. Mais quelle !

2 septembre 2020 le monde physique fait du bruit, l’artiste en fait de la musique. Oiseau, homme, grillon ou grenouille, la musique peut être accidentelle, hasardeuse mais jamais involontaire. Et je ne vois pas de volonté dans la physique du monde.

21 août 2020 applaudissements : ils ont reconnu le thème. C’est au menton qui approuvera le premier… et c’est là que je crains de m’ennuyer. Mais je suis tolérant et j’espère que la roue sortira bientôt de l’ornière. Je me demande même comment l’artiste gérera les « glissades ». Marc Ribot n’accroche pas longtemps ni jamais totalement à un thème, même aussi flagrant que St James Infirmary. Au mieux ou au pire, il l’évoque, il le suggère, mais surtout il s’en sert ! Ce qu’il fait avec le thème, c’est le tordre pour le refaçonner.

17 juillet 2020 des sachants se contentent d’une partition et disent combien c’est beau. Quelques fois, ils s’agacent, même, parce que la musique est bruyante.

2 juin 2020 concentrer l’énergie, préciser le souffle, affirmer la volonté, ne plus avoir peur de sonner, et monter, monter, grimper, agile, dans l’aigu !

5 mai 2020 et je les vois compter et tirer la langue. Tant mieux s’ils s’amusent, mais jouent-ils vraiment ?

26 avril 2020 le musicien inouï : il commence en proposant des notes nombreuses et éparses, jetées en mêlée. Il les rassemble et les organise ensuite, mais aussitôt, il en ajoute d’autres, plein de notes, trop de notes. Comme s’il lui fallait ce magma, matière formidable, une montagne beaucoup plus grande. Et tout cela, ce brouhaha indifférencié, il le trie, sépare, ordonne, libère, explique, le lie et le relie, le différencie pour nos oreilles. On le voit – on l’entend ! – creuser dans la matière, tailler dans la roche, regrouper des monceaux et des tas qui prennent forme : il informe le chaos sonore ! L’intelligible vient alors à nos oreilles, et c’est cela le propos du musicien. Créer son œuvre avec les énergies et les matières inorganisées qu’il saisit, avec les volontés et les accidents. Et son propos devient compréhensible, passionnant, clair, et les notes continuent de danser les unes les autres, ensemble, de se marier les unes les autres, ensemble, de se pousser et de se tirer et de s’accompagner, puis de se fondre et de se résumer progressivement à quelques-unes, puis à une seule qui les contient toutes, répétée, inlassablement répétée, avant de laisser le silence tout récupérer.

7 avril 2020 ne pas avoir peur du beau, du joli, mignon.

28 mars 2020 celle-là est de toute beauté : « la musique pourrait exister quand bien même le monde n’existerait pas ». Schopenhauer.

m.alexis.m, La Grange, Montgauzy. Août 2012. photo : Flo

La Grange, Montgauzy. Août 2012. photo : Flo

25 mars 2020 c’est génial que la musique fasse danser mais c’est aussi son pire piège, qui lui interdit parfois de sortir du corps.

17 mars 2020 Platon condamnait certaines musiques parce qu’il les jugeait indignes de l’homme, par exemple celle de Mick Jagger et Keith Richards… Vous me suspectez d’anachronisme ? Mais soyez certains que Platon l’aurait fait s’il avait pu !

15 mars 2020 les raps sont-ils, mornes et scandés, des prières modernes qui s’ignorent et se cherchent ?

13 mars 2020 ils me disent « tu ne connais pas la musique ». Alors je les écoute, je cherche à les comprendre et je crois que j’y parviens souvent. Car souvent j’apprécie ce qu’ils jouent. M’accordent-ils le même effort réciproque ?

5 mars 2020 un musicien m’a demandé un jour « quand est-ce que vous commencez ? » On jouait depuis vingt minutes… pardonnez la comparaison prétentieuse mais on faisait la même remarque à Jimmy Hendrix !

16 février 2020 jusque dans quelle mesure la bipédie a-t-elle induit la rythmique de nos musiques binaires et nos états de transes ?

15 février 2020 Dhaffer Youssef : quelle voix ! « Birds Requiem, Sweet Blashphemy » – 04:40. À cet endroit précis, une note tenue, aiguë, une fraction de seconde avant que le chanteur n’infléchisse sa voix vers le bas, j’ai le sentiment qu’on entend l’instant où il le décide. Comme s’il était possible d’entendre son intention.

10 décembre 2019 comment Thelonius Monk libère-t-il autant le blues ? Comme il joue ! Que s’est-il passé dans cet esprit qui causait si peu, qui a supprimé l’inutile ?

7 décembre 2019 réentendu Le Grand Bleu, qui a mal vieilli, comme prévu. Je disais alors que c’était une musique d’aquarium. Vers la même époque, une autre musique de film était vraiment « aquatique » mais des eaux moins bleues, plus troubles : Birdy, de Peter Gabriel. Un chef-d’œuvre que j’écoute toujours.

4 novembre 2019 et, comme un enfant, écouter, puis faire des phrases simples avant de bâtir un discours.

24 octobre 2019 la musique, c’est souvent « oui mais » et parfois « mais oui ! »

22 octobre 2019 un enfant n’attend pas de savoir parler pour s’exprimer. Pareil en musique !

19 octobre 2019 si l’original peut être génial, pourquoi sa copie ne le peut-elle pas, si exacte et minutieuse quelle puisse être ? Parce qu’elle est une réplique.

18 octobre 2019 la trompette ouverte pour jouer doucement, avec la sourdine pour jouer fort. Étrange, non ?

5 octobre 2019 bien sûr ! L’homme a fait de la musique avant d’être humain.

1er octobre 2019 la musique intérieure est quelques fois muette, ou bien je suis parfois sourd.

10 septembre 2019 l’accompagnement est un terreau d’où peut germer l’inattendu, inentendu, qui invite à improviser.

9 septembre 2019 plutôt qu’avec un accompagnement, c’est avec la musique intérieure que je devrais jouer. Parce que si l’accompagnement est accessoire, il est superflu.

6 septembre 2019 écrire une histoire des musiques improvisées consisterait à écrire une histoire de toutes les musiques depuis leurs origines, jusqu’aux époques où elles se sont écrites. Un dernier chapitre raconterait les 3 ou 400 dernières années de résistance et de maquis.

1er septembre 2019 en impro, hier, Andrew au piano a proposé parmi d’autres, une note trois ou quatre fois répétée. Une note qui est apparue avec plein de promesses et se distinguait des autres tonalités. J’ai tourné autour de cette note mais cela n’allait pas. Je l’ai joué deux ou trois fois sur ma trompette mais cela n’allait toujours pas ! J’ai tourné encore, cherché à jongler avec… je n’ai pas trouvé, c’est resté un mystère. Il se passe des choses en improvisation !

17 août 2019 ne soyons pas prétentieux avec le processus créatif, un artiste n’est finalement qu’une éponge.

2 août 2019 Là ! Lorsqu’ils manquent d’imagination, les tonalités, bips et autres sonneries font des La. Et voilà…

2 juillet 2019 remplacer les automatismes par du silence. L’oreille saura bien faire ce qu’elle voudra de ce vide. Voire le laisser vacant.

18 juin 2019 c’est fou comme on a pu se mettre dans l’oreille et par deux fois à chaque octave des demi-tons qui sont comme des faux pas !

7 juin 2019 musicien, comme l’amant angoissé, toujours ignorant et nu ! Et seul avec le désir et la peur et le son.

1er juin 2019 un musicien pense à la note suivante et ça s’entend ! Il n’est pas présent à sa note présente.

28 mai 2019 une musique non écrite ne naît pas de rien. Elle est le travail quotidien d’un instrument, elle est le travail quotidien de la musique, le travail quotidien de l’art, le travail constant de la culture humaine, constant de l’art d’être vivant chaque jour, de l’art d’hériter de plus de trois milliards d’années, et l’art de transmettre, peut-être, un ou deux milliards d’années encore ?

21 mai 2019 si le bonheur n’est qu’une chimie passagère, autant le chercher en musique, si passagère elle aussi.

12 mai 2019 comment faire pour retrouver l’envie de manquer ? La satiété (de consommation) me laisse assis-repu et sans désir. Tout désir est assouvi avant même d’advenir. Merci l’infobésité. Ado, j’attendais le prochain disque, j’allais chercher à Paris les musiques qui ne descendaient pas en province. Aujourd’hui elles sont sur mon écran, et je les attrape avec la nausée de celui qui se rend au repas du nouvel an à peine sorti de celui de Noël. Pourtant le réseau est formidable et je ne m’en séparerai pour rien au monde. Je dois donc élaborer une diététique de l’information.

27 avril 2019 on encourage l’enfant qui s’exprime déjà malgré son peu de mots et de grammaire. Idem pour le musicien.

18 avril 2019 ma musique est devenue un espace de liberté mal foutue, où j’évolue quand même, et quand même de moins en moins contraint.

28 mars 2019 j’envie le guitariste qui lâche sa note et peut la regarder s’en aller toute seule, et le pianiste qui retient juste l’étouffoir. Moi, ma note, je dois la souffler jusqu’au bout, et si je n’y crois plus, elle me trahit aussitôt.

25 mars 2019 j’écoute depuis 40 ans des disques qui restent vivants. Pourtant des concerts bien « live » sont tout à fait morts.

24 mars 2019 on a écrit d’abord des listes comptables et des titres de propriétés, et des décrets de rois et des lois. Puis des contes et des poèmes, et puis même le plus fugace, le plus immatériel : la musique.

15 mars 2019 la différence entre l’air à respirer et l’air en vibration et à respirer c’est le son de la musique.

4 mars 2019 – Tu viens jouer ? – J’peux pas, j’ai répète…

28 février 2019 le courage émet un son. L’inverse est tout en silence. Et dans un genre léger léger ça peut être très beau.

26 février 2019 l’improvisation se préoccupe de l’action plus que du résultat. C’est tout à fait défendable avec cette comparaison : on ne demande pas à un jogger « où il va » parce qu’on sait très bien qu’il veut juste courir.

25 février 2019 les Grecs distinguaient l’action (praxis) du résultat que l’action produisait (poïésis). Sans élever ou rabaisser l’un ou l’autre, dans le présent du son, peu importe la touche REC.

24 février 2019 de la même manière que l’écriture de la musique a figé l’improvisation de la musique, la touche REC est potentiellement dangereuse.

22 février 2019 quand on fait répéter dans une discussion, c’est qu’il y a problème. En musique, c’est un des fondamentaux ! Étrange…

16 février 2019 j’écoute Electric Ladyland… comme j’aurais aimé écouter une rencontre Jimi Hendrix – Miles Davis !

31 janvier 2019 je vois autant de différences entre la musique et son apprentissage qu’entre l’amour et l’éducation sexuelle.

29 janvier 2019 le cœur ne s’ouvre pas à froid comme on peut le faire avec une partition.

7 janvier 2019 pourquoi la trompette a-t-elle quelques fois ce timbre… de cheval effrayé par l’orage ? Tableau de Delacroix.

30 décembre 2018 toujours, l’instrument est jaloux des autres instruments qui n’ont pas les mêmes exigences.

23 décembre 2018 s’éduquer l’oreille à l’étrangeté, lutter contre l’ennui, contre cette vieille… nausée du chemin de l’école.

22 décembre 2018 habitué à des accords étranges, me suis-je vicié ou éduqué ?

21 décembre 2018 habitué à des accordages approximatifs, suis-je grossier ou tolérant ?

20 décembre 2018 des harmonies rendues si simples qu’elles n’encuriosent plus…

13 décembre 2018 si la pratique de la musique offrait de l’entendement, cela se saurait.

7 décembre 2018 Maman préfère la peinture, ça ne fait pas de bruit. Selon Socrate, les oreilles n’ont pas de paupières. Et l’autre affirme qu’elles sont l’organe de la peur. Dur dur pour la musique !

28 novembre 2018 rhume, fièvre. Je suis avec ma trompette comme le cycliste au bas de la côte et qui ne peut pas.

25 novembre 2018 des harmonies si pauvres et attendues qu’elles donnent la nausée comme faisait le chemin de l’école.

23 novembre 2018 et ceux qui écrivent la musique mais refusent d’en parler…

16 novembre 2018 lu dans le programme d’un festival prudent : « adepte de l’improvisation ». Adepte ? Le sens initié, mystique, m’ennuie un peu, je préfère le sens « qui a acquis », « qui a appris » ce travail de recherche permettant de nourrir l’improvisation.

7 novembre 2018 je veux, je dois, travailler le silence. Courage !

31 octobre 2018 certains de mes accidents sont devenus vocabulaire, mais d’autres restent imprononçables. Grammaire en cours…

22 octobre 2018 apprécier la granulométrie d’une note, son humidité, sa température, et même sa viscosité. Son poids, non.

17 octobre 2018 je devrais pérenniser des inharmonies, sans les répéter, sans les décliner. En laissant simplement l’oreille les accepter puis les digérer, par exemple à l’aide d’une note tenue.

13 octobre 2018 il manque, j’en suis sûr, un demi ou un quart de ton caché quelque part ! J’ai cherché partout, j’ai tourné et retourné les gammes. Pas trouvé…

6 octobre 2018 des activités humaines ne laissent aucun doute quant à leur bienveillance : la musique, par exemple, nous veut du bien.

4 octobre 2018 un même air mille fois écouté peut rester inouï !

30 septembre 2018 même la mémoire risque de faire partition !

29 septembre 2018 entendu de l’orgue, des exercices. Le son est sinusoïde donc les frottements et mariages de fréquences sont très excitants. Cela aussi à peut-être invité l’organiste à continuer d’improviser ? Pas que l’Eucharistie.

23 septembre 2018 soufflé dans un melodica : la possibilité polyphonique oblige à travailler des harmonies, des logiques, des symétries, ces trucs qui plaisent au cerveau, et rien ne prouve que ce soit beau, bref, des jeux entre les notes. Agilité de l’esprit obligatoire. Mais, invitation à abandonner l’essentiel ?

25 août 2018 on est bien plus tolérant avec le bruit des loisirs motorisés qu’avec celui de la musique. Nous n’avons pourtant au cerveau un moteur prothétique que depuis un siècle. Nous avons pourtant la musique depuis avant l’aube de notre humanité.

12 août 2018 mon désir de musique est comme celui de l’enfant pour le jeu : c’est important, sérieux.

2 août 2018 le blues a quelque chose de « peinard » qui me tente de plus en plus.

18 juillet 2018 apprendre un instrument, c’est instrumenter la musique. On dit que les musiciens sont des chanteurs qui n’ont pas osé.

5 juillet 2018 l’horreur : « … et les peuplades sans musique, bien sûr, tout ce manque de tendre… » Voir un ami pleurer – Jacques Brel.

3 juillet 2018 musique aux oreilles, à jouer ou à écouter, chaque jour et tous les jours. Un jour sans musique est aride, comme stérile.

1er juillet 2018 enfant, l’hippocampe me fascinait, le petit cheval de mer. Aujourd’hui, j’apprends que la partie de notre cerveau nommée l’hippocampe – à cause de sa forme – a quelque chose à voir avec la mémoire… et avec la musique.

22 juin 2018 deux notes ne s’additionnent jamais sauf si elles sont parfaitement identiques en fréquence. Rare. Les notes ont inventé la multiplication. La division aussi et toujours avec un reste inouï. ainsi que la parabole et l’hyperbole et la tangente et l’exponentielle, c’est infini.

2 juin 2018 musiques modernes. Assumer notre barbarie.

5 mai 2018 je me dis que tout est dit avec les mots. C’est pourquoi je dis : musique.

15 avril 2018 légèrement cramé. Presque un oxymore, mais qui pourrait être un guide de nos vies et de nos faits, pour les réinventer toujours, pour saisir les à peu près, les erreurs et les accidents.

24 mars 2018 on m’a trop baigné de Bach et d’académisme. Comment échapper à cette hégémonie mathématique et logique ? Comment jouer comme Chet Baker, le cœur malgré le cerveau ?

12 mars 2018 c’est souvent à la toute fin des morceaux que les musiciens s’écoutent le mieux. Ils se regardent et se questionnent, là, ils jouent vraiment ensemble. Dans la queue l’imprévu !

10 mars 2018 les vrais musiciens l’expliquent bien dans leurs lois de l’harmonie, une note tire sur l’élastique et cela créé une tension. Que l’on va résoudre à l’aide d’autres notes pour rétablir l’équilibre. Mon oreille le comprend et instinctivement je parviens à le faire. Quelques fois. Mais, entre tensions et résolution, nous voilà encore une fois piégés dans un système. Pour s’en jouer mieux, il est certainement possible d’accumuler des tensions, au long des mesures, tensions qui deviendront la règle, et il ne restera plus qu’à résoudre la toute première harmonie. Si l’on veut avoir une bonne note.

9 mars 2018 pratiquer avec foi une musique profane !

7 mars 2018 le mot « fractal » dit bien ce reboutement de mémoire fractionnée, et aussi cette interdiction que le cœur fait au cerveau de redire le même « j’aime » à chaque fois. Oui, « je t’aime » doit toujours être réinventé, avec le même mot pourtant.

7 mars 2018 incapable de mémoriser un thème et ses mesures, j’improvise à la manière d’une logique fractale. Peu de choses, des équations instinctives, me donnent le La, puis le La La La, et je dessine des structures.

5 mars 2018 vous connaissez cette réplique ? « Rien de personnel ! » Il y a des artistes, c’est exactement ça.

3 mars 2018 ils trépignent, l’enjeu est vital et pourtant ce ne sont que des sons.

2 mars 2018 si je ne crois pas à une note, elle refusera de sortir. Tant pis, je l’entends tout de même dans ma tête. Et s’il y a quelqu’un pour écouter, qu’il fasse de même.

27 février 2018 impro : la prochaine note est comme le prochain pas, tout va bien, on sait presque sans regarder où on va poser le pied, parce qu’on s’adapte au chemin à peu près connu. Mais, hors des sentiers battus, toute l’attention est nécessaire et il faut une bonne agilité. Un faux pas n’est pas grave, mais faut pas tomber !

16 février 2018 la justesse des notes n’est pas si importante, c’est d’ailleurs ce qui fait le charme de cet instrument et de quelques autres.

16 février 2018 ceci n’est pas une pub mais une belle surprise que je voulais partager depuis deux ou trois mois. J’ai abandonné la trompette normale pour les besoins du voyage et adopté un instrument de poche, réputé « injouable ». La « mini pocket trumpet » Carol Brass est la plus petite, la plus transportable. Quelle bonne surprise ! Un son moins velouté, bien sûr, que ne pouvait le faire la vénérable Couesnon (merci Pierre Scheidt). C’est comme si le métal, tellement enroulé, interdisait les résonances parasites. Oh, je vois bien que les pistons font du noir, et la condensation est difficile à vider puisque la trompette est toute tire-bouchonnée. Et enfin, elle m’a paru fausse au début, comparé à la Zeff, et le temps d’apprendre à compenser. Toutes les trompettes sont plus ou moins fausses.

14 février 2018 je ne sais toujours pas dire ce qui fait de la musique un tel art de l’échange. Sa dialectique de l’instant ? Pas sûr… Est-ce la nature du son plus abstraite qu’un récit ou que la surface peinte ? Sans doute pas… On n’a pas coutume d’écrire ou de dessiner à plusieurs la même œuvre, mais on peut imaginer communions et connivences, oppositions et luttes comme en musique. Il y a dans l’échange musical, improvisé, une ouverture à la reformulation qui l’apparente au dialogue du langage parlé. La musique comme pratique artistique autant que langagière ?

5 février 2018 injonction : « pour souffler bien, soufflez fort ! » Sauf qu’un instrument à vent n’est pas un éthylotest. Un peu de douceur, s’il vous plaît, monsieur le professeur.

1er février 2018 on les voit quelques fois agrippés aux mesures et suant la partition, la langue pincée de côté entre les dents, sourcil concentré. Probablement le bonheur du gymnaste.

27 janvier 2018 j’aimerais tant les écouter en fin de nuit, épuisés, presque ailleurs, mais qui ne voudraient pas quitter leurs instruments. Des propositions seraient saisies, des échanges naîtraient, il y aurait du jeu, des biais. Des frottements mais du jeu.

25 janvier 2018 « ils n’ont pas besoin de parler pour se comprendre » comme on dit de vieux amis. La musique peut se passer de codes, l’un sachant l’autre si bien qu’ils échangent sans conventions.

24 janvier 2018 l’aventure humaine est une aventure technique plutôt que spirituelle ou morale, mais je ne comprends pas… cette technique porte quoi ? C’est tellement plus beau, un dieu nu ! L’héritier du singe nu.

23 janvier 2018 la musique n’appartient pas à ses techniciens. Aucun art ne doit être mis en danger par ses spécialistes. Les experts invalident obligatoirement ce qu’ils ignorent et condamnent ce qui contredit leurs savoirs.

22 janvier 2018 des musiques assument leur extrême simplicité et s’ouvrent alors vers d’autres possibles. Tandis que les musiques très techniques, sans être de grandes savantes, préoccupent les musiciens qui les exécutent. Mais elles tuent… le temps, le désir, l’émerveillement !

21 janvier 2018 je commence à saturer du jazz « historique ». Envie du bruissement d’aile de papillon et tout à la fois de marteau-piqueur !

19 janvier 2018 le musicien orthodoxe mais tolérant dit que la « note fausse » introduit une « tension ». Une improvisation nourrie principalement par ce type de tensions renverse le jeu et fait de la norme, respectée ponctuellement, la nouvelle tension.

18 janvier 2018 Jacques Ellul explique qu’un outil non nécessaire devient indispensable à l’usage. Un code, en musique, devient ainsi la norme. Donc obligatoire. Il éloigne la musique de son désir premier de rapprocher les hommes, puisqu’il interpose du code, de l’artifice, une règle, du convenu, etc.

16 janvier 2018 la soupe primordiale, le chaos premier, avant le premier grumeau, était j’en suis sûr un modèle de douceur, de sérénité. Voire de silence.

16 janvier 2018 free n’est pas forcément chaotique, pas obligatoirement bordélique, bruyant, agonistique ou violent. Le free, c’est à mon sens, avant tout, l’écoute nécessaire de l’autre. De l’attention, de la bienveillance et du « jeu ».

13 janvier 2018 la musique m’apporte sa lumière : elle est percluse de codes mais elle sait rester sauvage autant que savante. Elle offre plusieurs portes à ceux qui souhaitent les ouvrir.

13 janvier 2018 c’est un classique : j’avoue que je suis incapable d’apprendre ou de comprendre intentionnellement certaines choses, ce depuis 55 ans, et aussitôt on entreprend de me les expliquer pour la énième fois. Ainsi pour la loi d’Ohm, la règle de 3, la musique, et même les tables de multiplication. C’était un complexe grave ! Je sais apprendre pourtant, très vite et très bien, mais ce n’est pas moi qui décide. Si les savoirs se résument à instinct, mimétisme et compréhension, j’ai bon instinct, mauvais mimétisme et bonne compréhension.

11 janvier 2018 juger c’est apprécier ! Il faut être franc, dire « j’aime », « j’aime pas » et dire le pourquoi et le parce que. Être intolérant avec l’art c’est le préserver de devenir un art bourgeois et consommable. Et c’est le meilleur service rendu à un artiste que de lui dire le vrai ressenti. L’artiste est fragile, il se met à nu et manipule des explosifs qu’il balance à un public aux bras tendus.

10 janvier 2018 le La est si proche du Do que ça en fout les foies.

9 janvier 2018 certains jouent en phrasés, tellement qu’on entend sujet, verbe, complément. Comme si la musique leur venait en conséquence de la langue. Elle pourrait précéder le parler et toutes les langues. Musique avant Babel.

22 décembre 2017 la musique est le pire dans le dernier Star Wars. J’espère que les cuivres sont logiciels. Aucun musicien ne survivrait à la partition de John Williams. Les quelques belles secondes du film sont les seules… de silence absolu. Et d’images arrêtées.

16 décembre 2017 les admirateurs ou contempteurs de Miles Davis citent souvent les genres musicaux qu’il a traversés : be-bop, cool, hard bop, modal. Ils oublient les suivants qui n’étaient plus si jazz. Oh merde, il était funk, il était rap, pop ! Il aurait aimé le dub ! Il serait électro aujourd’hui, et ferait un tube avec Skrillex.

9 décembre 2017 le trac met la créativité en ébullition. C’est un état très inconfortable qu’il faut provoquer. Qui sait s’il ne devient pas un plaisir pervers chez certains, une drogue ? Le cerveau se retrouve baigné d’une puissante lumière blanche.

18 novembre 2017 « qui peut le plus peut le moins », disait le saxo-fort à la trompette qui ne voulait pas suivre. Sauf que le saxo est bulldozer, il a beau prétendre être toujours capable de contempler la pâquerette, la plupart du temps, il ne le fait pas. Puis, il ne le fait plus. Puis il ne sait plus qu’il pouvait le faire. Et enfin, il ne sait plus le faire. La pâquerette n’existe pas dans le monde des bulldozers.

16 novembre 2017 il est des petits airs, des airs de rien, des airs d’enfants, des airs un peu cons, mais qu’on se trimballe toute la vie. Ils sont faits de petits bouts, mélanges de chansonnette, de swing, de cabaret, de grandiloquence classique, de simple circassien, d’afro-tribal. Le tout sans aucun jugement ni conscience. Ce sont des archétypes personnels qu’on aime, auxquels on tient parce qu’on n’y peut rien, comme gravés sur les parois intérieures du crâne.

2 novembre 2017 tant de notes, toutes ces notes, trop de notes ! J’aimerais jouer comme un ciel sans nuage.

30 octobre 2017 la beauté d’une fleur est bien sûr aussi dans sa fragilité. La photographie de cette fleur conserve objectivement toute sa beauté, avouons pourtant qu’elle ne nous émeut plus autant. Idem pour l’impro et son enregistrement.

26 octobre 2017 dans l’éventail des désirs aux besoins, de l’inexpliqué à l’expliqué, disons que les mystiques s’occupent de l’un et les sciences de l’autre. Au fil des époques le seuil se déplace généralement du premier vers le second. L’art se promène de l’un à l’autre à l’envi. C’est une de ses fonctions et prérogatives.

21 octobre 2017 « as-tu reconnu ? Dans mon impro, j’ai fait trois citations : bla bla bla… » Est-ce bien toi qui joues ? Écris-tu une disserte dans laquelle il est de bon ton de donner des références, de montrer que tu sais, pire, que « nous » savons ? La plus belle référence serait si bien digérée, tellement devenue tienne que je ne saurais la repérer et croirais écouter un discours nouveau.

18 octobre 2017 finalement, le jazz est une musique à danser, mais le cul sur une chaise, derrière un verre d’alcool.

16 octobre 2017 il faut un moment au soliste pour s’éloigner du thème, preuve que le standard tue. Quel que soit le thème, le solo ressemble au soliste, preuve que le standard tue. L’excellent soliste, rare, jongle avec le thème, discute avec lui, le nourrit et s’en nourrit, c’est l’exception.

13 octobre 2017 l’art doit plaire au public ? C’est le choix de TF1, donner du sucre aux enfants, etc.

10 octobre 2017 je dis que la musique importe moins que jouer la musique. « Mais moi, je me soucie du public et de ce qu’il aime », répond-il. Je n’ai jamais dit que je ne me souciais pas du public, au contraire ! Avec ce fichu souci de plaire, nous serions encore à grogner dans la caverne.

4 octobre 2017 j’entends Bach comme un prototype de Mozart, que j’écoute. Le second a parfait le premier. Si ! Il a donné âme et vie aux mathématiques.

2 octobre 2017 mets le doigt sur REC, mec ! Quelques fois, l’impro est si jubilatoire !

22 août 2017 à l’époque où je faisais de la sculpture sonore, j’écrivais des histoires, j’essayais de les raconter. Elles s’inventaient parfois toutes seules et m’emportaient, des tensions apparaissaient que j’orchestrais alors. C’était passionnant ! Sinon, j’effaçais. Souvent, au centre de l’acousmonium, je me demande si « random » ne se sent pas un peu seul et l’esprit ailleurs.

14 août 2017 tu ne ressens jamais ça ? Un gros doute où même le jazz le plus présentable te déçoit dans toute son horreur attendue et tous ses clichés mille fois entendus. À ces moments-là, il faudrait savoir se contenter de silence, fermer boutique pour ne pas abîmer l’art des autres.

12 août 2017 dans un cadre déterminé, blues, funk, jazz bien tonal, je compte sur la rythmique pour m’aider à sortir de l’ornière. Je n’ai pas les ressources nécessaires pour m’exprimer plus d’une minute dans le tempérament imposé. Dans des musiques plus libres, le rythme propose toute son énergie au jeu.

2 août 2017 il y a une telle sensualité en musique que si elle n’existait pas je la trouverais ailleurs, gastronome boulimique, proxénète obsédé sexuel.

24 juillet 2017 la répétition est un des principes de la musique, c’est aussi ce qui la tue.

18 juillet 2017 en rhétorique, lâcher une grossièreté au milieu de termes châtiés est du plus bel effet. Pourquoi pas en musique ? Il m’arrive, au milieu de notes douces, de porter la bouche de côté et de roter, oui.

6 juillet 2017 Pierre Henry, qui est mort aujourd’hui, disait il y a 70 ans que la musique n’avait pas encore osé se détruire elle-même pour renaître ensuite, comme devrait faire tout ce qui vit.

3 juillet 2017 tais-toi et joue ! D’accord, mais le dire, essayer de le dire. Il y a tant de choses à dire que je ne sais pas musiquer.

24 juin 2017 aux saturations et aux larsens, je me suis vu la patronne répondre par l’entremise d’un musicien – l’anecdote le faisait bien marrer – qu’elle craignait que les vieux s’en aillent.

16 juin 2017 Fripp, Travis. De l’ambient années 70 mais en 2012, à la façon Fripp-Eno-Hassell-etc. mais bien moins inspiré qu’ils ne l’étaient à l’époque. Hormis une clarinette un peu originale, les flûtes suivent. Justement le disque est titré Follow.

11 juin 2017 je n’ai aucune mystique du son. Uniquement du sensible. J’ai toujours sculpté le son, taillé dedans, l’ai raboté pour en extraire la fréquence voulue, ou sommé et multiplié vers des sons inouïs. Ça a toujours été une démarche sensuelle, jamais intelligente, encore moins croyante.

6 juin 2017 il suffit quelques fois d’un prétexte pour ouvrir ou retrouver des voies d’exploration musicale. L’autre jour, une « sieste musicale », l’occasion de quitter un peu le swing du jazz ou le binaire de l’électro pour retrouver les textures du son, la matière, les timbres, le souffle. Et la grande difficulté de tenir un son ténu. Chet Baker était un grand maître, Mathias Eick aujourd’hui.

28 mai 2017 si la musique est partage, celui-là n’est pas musicien qui aligne ses notes, toutes écrites et fonctionnelles, sans écouter les autres.

22 mai 2017 avant la naissance, les sons font l’interface avec le monde extérieur, au-delà du ventre de la mère. Ils sont le messager, direct mais feutrés, ils sont, derrière les bruits intestins, le premier lien avec les autres. Est-ce pour cela que la musique fait musique ?

18 mai 2017 le jongleur fait parfois tomber une balle, le raté fait partie du jeu. Tandis que pour le funambule, on ne le lui souhaite pas… quoique le public a quelques fois des désirs troubles. En musique improvisée, la balle qui tombe est un heureux accident bienvenu.

13 mai 2017 parfois le son ne naît pas ou il meurt, et c’est comme souffler dans un trou mal troué, comme s’il y avait une miette, un noyau. Chié !

10 mai 2017 un copain théoriste du complot me disait hier que des chercheurs produiraient dans les musiques modernes électro des sons spécifiques destinés à plaire aux oreilles. Eh bien !? L’artiste a toujours exploré goût et dégoût. Peut-on suspecter le cuisinier de chercher des saveurs appétissantes ?

2 mai 2017 quelqu’un me dit d’un air entendu et rigolard qu’il n’est pas fou, pas question de s’époumoner dans une trompette ! Pratique-t-il un autre instrument à vent, est-il musicien ? Sait-il que j’essaye… d’être fou ?

1er mai 2017 Epicure à fond, ce serait vouloir le bonheur sans le désir ? Alors sans musique, sans désir de musique ?

29 avril 2017 j’aime. Parce que j’aime, mon son en sera-t-il différent ?

26 avril 2017 Jacques Roumain dit que le silence est le sommeil du bruit. Le silence bercé par Délira qui chante sans mots, à bouche fermée… à la façon des négresses. Le gouverneur de la rosée.

20 avril 2017 « Toutes choses étaient confondues ; vint ensuite l’esprit, qui mit l’ordre dans l’univers » Anaxagore. Ainsi du Balzac que Rodin a voulu à peine sorti du bloc énorme et informe. Mais il y était déjà tout entier, en puissance. Ainsi de l’improvisation, lorsqu’elle commence en bruit, en matière brute avant de s’extraire. Mieux : elle ne naît pas toute habillée et toute armée, elle reste potentielle, non plus informe mais juste informée. Et infinie, une proposition aux oreilles.

15 avril 2017 certains matins les bruits sont bruyants. « Pimpon pimpon » crie l’enfant qui fait tomber le camion de pompier en métal rouge sur le carrelage.

7 avril 2017 le trac est un truc étrange. Outre qu’il révèle une forme d’orgueil, il me fera rester prudent donc sans génie. Alors que tout le plaisir est dans le risque, surtout si ça fonctionne, lorsque je ne me prends pas les pieds dans le tapis. Et si je tombe, l’enjeu est-il si grand ?

4 avril 2017 Ikutaro Kakehashi, fondateur de Roland, est mort. Bar TR-808, norme Midi, synthé D-50… Ne pas négliger l’influence des ingénieurs sur l’art, l’influence des technologies sur les cultures.

2 avril 2017 chaque année, fin mars, le coucou revient proposer ses deux notes. Deux. Simples, toujours les mêmes et avec beaucoup de silence autour. Deux notes répétées qui annoncent le printemps et qui invitent à jouer avec lui, sur ces deux tons et sur l’écoute, sur la place laissée autour. Il est très fort, le coucou.

30 mars 2017 je veux me ménager des moments de silence. Vide, en roue libre. Profiter d’un rendez-vous en retard ou être moi-même en avance, flâner. Parce que c’est là que le cerveau cherche et créé. Il a peur du vide. L’informaticien connaît les NOP*. Je ne suis pas loin de croire que l’art est un renversement constructif de la volonté humaine toujours progressiste, peut-être pathologique.

  • NOP : No Operation. Une instruction qui commande l’action de ne rien faire pendant un cycle d’horloge, parce que la machine ne sait pas « faire rien »… farniente.

6 mars 2017 j’écoute Chris Réa, « Hofner Blue Notes ». Il ne chante plus, la guitare n’est presque plus électrique, le batteur a pris des ballets et la basse est devenue acoustique. Le piano habille d’un costard trop ajusté les compositions. Tout est ralenti, Réa est vieux, il assume. Sa passion du blues qui lui dure depuis 40 ans est une passion simple et sobre. Du coup, les grands passionnés me semblent si vaniteux.

1er mars 2017 Killer Joe de Benny Golson. Un très bel exemple de thème simplissime et laissant les portes grandes grandes ouvertes. À la douceur ou pas, au rythme ou pas, au free ou à quelque chose de très reconnaissable. De toutes les versions qu’on peut écouter, il manquera toujours celle qu’on veut faire !

25 février 2017 il y a dix ans je pétais mieux que je ne « buzzais », mais je ne me suis pas découragé. C’est la seconde difficulté en trompette. La première est, justement, de ne pas péter.

21 février 2017 toujours, constamment, lorsqu’on parle d’improvisation, on se retrouve à se justifier. Et plus souvent auprès des musiciens patentés que des auditeurs. Ces derniers font plus confiance et croient en la magie, ce qui est une qualité pour apprécier un art.

21 février 2017 Au moment de prendre la parole pour exprimer une idée, les phrases sont-elles déjà toutes écrites ? Idem pour l’impro.

6 février 2017 jouer un standard, ou seulement dans une tonalité donnée, me mets dans la situation de l’enfant tenté de faire une bêtise. L’interdit. La pente est obligatoirement savonneuse, l’erreur s’impose : « j’ai pas pu m’en empêcher ! »

29 janvier 2017 trois notes et il filait derrière les autres, Miles Davis était un branleur. On ne dit pas cela aujourd’hui parce qu’on a érigé un dieu. Au pire, les parfaits de la technique osent lui reprocher un défaut de placement des lèvres sur l’embouchure. Miles Davis est un génie parce qu’il a su faire simple, un génie parce qu’il a su attraper les musiques nouvelles et se renouveler avec elles. Mais Miles Davis est un génie surtout parce qu’il a su faire avec ses défauts et ses « à peu près ».

21 janvier 2017 l’animalité de l’oreille participe beaucoup au désir de vie, donc au succès de la musique, de la berceuse à la danse pour le rythme, et du chant guttural au harsh noise wall pour le timbre. En passant par Liszt, bien sûr.

15 janvier 2017 nos oreilles nous informent sur ce que nos yeux ne voient pas, à la vitesse du réflexe. Cela veut dire que notre ouïe est chargée de nous alerter d’un danger éventuel… le loup, une voiture. Les sons imprévus provoqueraient alors de l’angoisse, tandis que les sons identifiables seraient susceptibles de donner des musiques agréables. Voilà une des difficultés auxquelles les musiques expérimentales sont confrontées.

10 janvier 2017 improviser en solo ou à plusieurs : deux pratiques très différentes. Elles se nourrissent l’une l’autre, mais il faut du courage pour retourner travailler seul après avoir goûté aux autres. L’impro solo va puiser essentiellement dans les bagages, et l’exercice est très difficile qui voudrait décoller de la mémoire, pour inventer et se réinventer.

24 décembre 2016 backing tracks. Je prends un blues et je m’emmerde. Je sais bien que ne s’ennuient que les ennuyeux. Je sais bien que ce blues, cet archétype, est un bien commun qui se prête au partage. C’est à cause de ma propre pauvreté que je ne parviens pas à nourrir cette trame blues, à jouer avec ses codes, et à faire l’élastique avec son cadre.

24 décembre 2016 Je me rassure en me convainquant que le véritable ignorant s’ignore. Moi, je suis un sauvage à la lisière de sa forêt et que la ville fascine.

24 décembre 2016 backing tracks. Je m’exerce avec des pistes de jazz, swings, ambient, électro, trip hop, si possible offrant le plus de liberté possible. Parfois c’est l’ornière, parfois c’est le pied. J’ai bien le sentiment d’être un barbare, d’écorner la loi des genres et leurs gammes harmoniiiieuuuuses. C’est un peu comme un quinquagénaire qui fait de la gymnastique, ça fait du bien parce que ça tire.

17 novembre 2016 trompette : instrument barbare, archaïque et difficile, jaloux de ses frères trombones et autres embouchures plus graves, jaloux des saxes et autres anches, mais au son de velours incomparable. Seule la clarinette peut l’approcher.

1er novembre 2016 « que l’art me montre du beau, le monde est bien assez moche ! » L’art devrait donc assurer cette fonction ? Parce que les médias, qui repeignent le monde en couleurs sales, nous plombent tellement ? Je propose l’inverse : les médias continuent de mentir mais en ne montrant plus que le beau – ils ne se vendront peut-être plus – et l’art fait comme il veut – et ne se vendra de toute façon pas mieux.

26 octobre 2016 « c’est pas comme l’autre qui cherchait où il avait noté son impro, dans son classeur de partitions ». Pourtant, des impros se répètent, comme on creuse un sujet, comme le peintre refait et parfait le même tableau. On reconnaît alors cette guitare, ce timbre de cuivre, cette attaque de bec. Parfois, on s’en lasse mais on ne devrait pas. Et rien n’interdit de laisser reposer une musique pour y revenir un jour. Elle aura changé, ou on aura changé !

22 octobre 2016 une très belle pensée de Menuhin explique comment Bach était un équilibre entre l’expression personnelle et celle de la communauté. Un peu plus loin, il parle de la création artistique humaine comme d’une lignée à continuer. Héritage culturel et apport singulier de l’artiste font deux pôles, auxquels il faut ajouter aujourd’hui un troisième, l’industrie.

5 octobre 2016 un air mignon m’a interpellé sur le réseau, et j’ai commencé ce qu’on appelle aujourd’hui… un cover. Des musiques sont belles, harmonieuses, oui, jolies, mais elles réduisent la musique aux carcans de leurs gammes. Et je suis fragile, tellement trop amateur, que je ne trouve pas le moyen d’échapper à ces sens uniques. J’ai l’impression d’un couloir si étroit que je me râpe aux murs. Au point que mon instrument semble perdre des notes, tout comme une novlangue interdirait la pensée par manque de mots. Et je crache du rauque dans ma trompette.

3 octobre 2016 l’écoute est sans doute une caractéristique centrale des musiques improvisées. Même soliste, le musicien peut écouter le silence qui précède – chaque silence à sa couleur… Ou écouter plus prosaïquement l’acoustique de l’endroit. Il peut écouter son public s’il en a un, mais ces musiques n’en attirent pas beaucoup. Ecouter les autres musiciens, et dans le dialogue qui s’installe, pourra apparaître l’interprétation, les propositions, les distorsions, la contradiction. Tout ce qui fait la dialectique de l’échange musical. Sonophages, Toulouse, propose un beau texte court sur l’écoute dans les musiques libres.

27 septembre 2016 le trompettiste démotivé devrait observer le rossignol. Ce si petit oiseau montre combien la volonté peut beaucoup ! Il est virtuose, il est inspiré, il est spontané, il a le souffle puissant, il a toutes ces qualités dans lesquelles le musicien doit puiser, mais il a surtout cette étonnante opiniâtreté !

13 septembre 2016 lorsque les instrumentistes sortent un disque, ils ont tendance à honorer leur instrument sur la pochette. Je crains toujours d’acheter un tel disque. Je préfère acheter l’œuvre d’un musicien. C’est très vrai du trompettiste, moins aujourd’hui du guitariste.

22 août 2016 c’est à la fois excitant et frustrant de comprendre que la beauté, pour l’oreille qui s’accapare la musique, est dans les espaces et les silences et les non-dits, plutôt que dans ce que le musicien a la volonté de faire entendre. Tout son talent serait alors de laisser la place à quelque chose d’encore plus immatériel que la musique. Laisser flotter, entre les sons, les désirs de l’oreille de l’autre.

19 août 2016 l’improvisation se joue sur plusieurs niveaux, le musicien puise dans divers ressources. L’enjeu : tenter de les articuler. Les ressources apprises participent du langage musical et s’échangent – on dirait presque d’un air entendu – comme des connivences, et ce n’est pas péjoratif. Le musicien creuse aussi plus bas, dans l’indistinct de l’instinct, dans la boue originelle, dans l’inarticulé des balbutiements… avant le verbe !

16 août 2016 l’autre jour, nouvelle configuration en trio acoustique : percussions latines, saxo, trompette. Je me suis vu essayer de faire le lien entre mes deux copains. Du coup, à vouloir structurer, je n’ai pas trouvé le champ pour me lâcher… et ils me l’ont fait remarquer. Une réflexion : je tends à construire pour ensuite me servir de ce support et improviser. Il faut dire que j’écoute Robert Fripp et Adrian Belew en ce moment… Je comprends que mes deux copains auraient voulu l’inverse, c’est-à-dire tout mettre sur la table pour ensuite extraire quelque chose. Tirer l’ordre du chaos ou apporter le chaos dans l’ordre, au choix.

14 août 2016 un certain free jazz me laisse perplexe. Exemple, Miles Davis, Nefertiti, Hand Jive, un peu avant la 5e minute. La basse sort de son mode de support et fait une proposition au saxo qui parait se chercher depuis un moment. Mais le saxo ignore totalement la proposition. Est-ce la profusion de ce jazz fin 60 qui provoque cette surdité ? Mais il est tout à fait possible que je sois incapable de capter.

8 août 2016 j’ai eu un temps la manie de terminer mes phrasés par une note très courte, comme une ponctuation, tandis qu’un ami finissait systématiquement sur des tremolos à deux notes, un autre faisant déraper sa hanche sur un trait hyper-aigu qui me vrillait les tympans. Un dernier copain voulait absolument avoir le dernier mot… difficile de finir un morceau ! Bref, ceci conscientisé, me voilà peut-être un peu plus libre. La liberté n’est pas « laisser-aller » mais « lâcher-prise », nuance.

8 août 2016 l’homme sachant compter au moins jusqu’à 5 ou 6 est aussitôt menacé par ce petit savoir. Si je compte les marches en montant l’escalier, si je compte les rondelles en tranchant le saucisson, je suis atteint. En musique, improvisée, ça se manifestera par des automatismes, complètement idiots dès qu’on les repère.

4 août 2016 si j’éprouve tant le désir de parler de musique, j’ai peut-être un problème. Ne devrait-elle pas se suffire à elle-même ?

28 juillet 2016 le bourdon reste un beau mystère ! Comment me porte-t-il autant, pourquoi me permet-il de trouver l’envie, quelle matière fournit-il à mon désir de jouer et d’improviser ? Il peut n’être qu’une note ou qu’une pulsation sobre, ou bien, riche, très riche des bruits extérieurs et des surprises, il est un matériau auquel je marie les sons de mon instrument. Les métaphores qui me viennent sont la terre pour la plante, la lumière pour dessiner, la pente pour courir, la joie pour le rire, etc.

7 juillet 2016 une discussion au hasard d’une rencontre hier soir a remis sur le tapis la difficulté d’évoquer la liberté pour qualifier « l’improvisation libre ». En ce qui me concerne, je veux bien la remplacer par le mot qu’on voudra. Mes doutes concernant mon émancipation et mon degré liberté, dans ma vie comme dans mon art, me rendent prudent. Et pas trop prétentieux.
Improvisation brute ? Non, la matière sonore imprévue n’est pas grossière. Et le brut peut induire du bruit, ce qui n’est pas nécessaire. Improvisation spontanée ? Non plus, faux pléonasme, parce que cette matière n’est pas issue de rien, ni pour rien, et parce qu’il y a le bagage, parfois le poids du bagage.
On pourrait parler de partage, avec les autres musiciens d’abord, avec le public, le lieu. Et avec les autres couches de soi-même. Cette pratique musicale pose comme règle d’or la perméabilité, l’échange entre le dehors et le dedans, et presque simultanément, entre le dedans et le dehors.

29 juin 2016 problème d’intention avec l’improvisation : la première note donnera le ton à tout le discours musical qui suivra. Cette première note, pour laisser la place nécessaire à l’expression, doit s’échapper, se répandre, elle sera le support mais elle ne devra pas induire ce qui suivra. Elle devra laisser le champ ouvert, 360° d’horizons possibles. Et quand ça vient, à la deuxième ou à la troisième note, je ne sais pas quand – surtout pas de préméditation mais de l’intention et de la disponibilité – quand se propose un battement, là, exactement là, il ne faut pas hésiter, plonger si la porte s’ouvre !
Il est impossible de la franchir deux fois aussitôt : l’air est déjà rempli de sons, le silence n’est plus vierge. Dans ce cas, quelque chose n’a pas fonctionné et ça ne sera pas le bonheur qui arrive quelques fois. Tant pis, à demain.

23 juin 2016 le musicien connaît depuis longtemps les bots. Débuts 90, il demandait à sa boîte à rythmes d’humaniser un peu les patterns trop raides en décalant très légèrement hors des temps quelques sons, grâce à des fonctions pseudo-aléatoires. Quelques années plus tard, le logiciel a su dépasser le simple arpégiateur et proposer des accompagnements. On a tous fait joue-joue avec un orgue Bontempi pour enfant ! Puis, les Garage Band et autres outils manipulant du Midi ont donné le change. Aujourd’hui, les machines vont très loin dans la composition musicale, elles ingurgitent des statistiques à l’aune du big data, digèrent nos savoirs mieux qu’aucun musicien, et performent mieux qu’aucun cerveau et qu’aucune main ne pourra jamais le faire.
Où se niche donc la créativité du compositeur et celle de l’interprète ? Faut-il la reconnaître aux machines ? Parce que, bien souvent, des hommes livrent des partitions mille fois entendues ou bœufent avec un automatisme digne de la pire machine d’autrefois. Poussés dans nos derniers retranchements, la question devient : « où est l’essentiel de l’artiste musicien ? »
La musique improvisée peut apporter des éléments de réponse parce qu’elle joue avec l’incertain, et reconnaît la fragilité. Un robot apprendra à lancer et à attraper une balle et il le fera désormais parfaitement. S’il hésite, ce sera une simulation comme le shuffle de la boîte à rythmes. Tandis qu’il arrivera toujours un moment où l’homme ratera la balle. La créativité artistique se situe peut-être dans cet à peu près, cette imperfection. Donc dans cette nécessité à nous adapter à l’incertain.

11 juin 2016 les musiques codées laissant place à l’improvisation s’accommodent d’un peu d’accidents qui viendront tirer les oreilles. Les musiques dites libres choisissent le chaos comme une matière première, très accidentée s’il le faut, d’où elles extraient l’information et quelques fois de la beauté. Cette beauté est superbe parce qu’elle apparaît nue, les pieds dans le terreau chaotique de ses origines. « On naît entre la merde et la pisse », disait Thomas ou Augustin.

24 mai 2016 improviser avec l’autre est un processus sans fin. Avec un inconnu, c’est d’abord laborieux mais c’est nouveau, et même si on échange quelques banalités, comme pour se trouver, c’est déjà une belle découverte. Avec l’ami, celui qu’on connaît bien, c’est comme poursuivre une discussion laissée là, même des jours plus tôt, et se dire ce qu’on ne s’était pas encore dit.

15 mai 2016 l’improvisation jongle entre concentration et lâcher prise. Concentration sur soi et son corps, son instrument, ses possibilités et ce qu’on sait lui demander. Et lâcher prise pour s’ouvrir aux autres, à l’environnement, à ce qui ne se voit pas mais qui est là, au-dessus ou entre. Ce qui est là et qui ne peut se dire avec un autre langage que la musique.

21 avril 2016 j’écoute cette musique des autres.

5 avril 2016 dans ce pays-ci, le paloumayre explique que le filet rempli de palombes n’est pas le plus important. Comptent aussi la palombière, l’attente et le temps qui passe, les amis et les échanges, des instants indéfinis et des moments de magie. On pourrait utiliser leur exemple pour la musique improvisée exactement ! Le résultat est moins important que vivre le moment.

23 mars 2016 une première note, si possible même pas préméditée, puis une deuxième, peut-être trois, laisser résonner sur les parois du crâne, infuser, condenser… le discours de l’impro suit, appelé par cette première matière. Pas vraiment spontané, ce discours s’en va puiser dans les imprégnations du jour, de la saison, l’année, l’enfance, l’époque, le milieu et bien sûr de tout l’héritage humain, depuis la grotte voire depuis le terrier lémurien.

15 août 2015 le fétichisme autour de la musique, pourtant presque immatérielle, me gêne et je tente d’y réfléchir, mal, chaque fois que l’occasion se présente.
Fétichisme de l’artiste pour l’instrument (et pour la partition, et la scène, la salle de concert, Paris, Vienne…), fétichisme de l’amateur auditeur pour le musicien, sa photo ou sa dédicace, pour son disque, pour la matérialité du disque ! Moi le premier, lorsqu’étudiant nomade je possédais des K7 et que je redécouvrais le vinyl encombrant chez le disquaire, j’éprouvais un sentiment étrange de nouveauté en même temps que de déjà-vu. Comme si la pochette dans son format carré (LP) plutôt que rectangulaire (K7) allait renouveler l’œuvre enregistrée contenue…
Un ami, au festival pourtant bien free de Luz, me confiait sa gêne à l’écoute des sons électroniques et autres techniques étendues dont on n’identifiait pas la source, instrument ou musicien. Il me faisait cette même démonstration de l’attachement à la matière qui produit le son, autant qu’au son lui-même.
Un jour, j’étais justement en train d’avouer mon goût pour les sons inexplicables à une amie, Marie M., qui disait justement ne pas apprécier la musique dans l’obscurité du Lubathyscaphe-K. Nous avions alors été mis en présence d’un phénomène fantastique : une vieille femme, Marie Lubat, avait fait grincer une porte de l’Estaminet d’Uzeste qu’elle habitait encore, au moment exact où une tourterelle avait roucoulé sur le toit d’en face. Les deux sons juxtaposés, dans le silence de l’après-midi du village, se sont tellement bien mariés qu’ils ont produit un autre son, un son nouveau, qui n’existait pas, un bruit impossible, irréel !
On était là par accident dans la magie extraordinaire que peut la musique. Il y a pour l’oreille un potentiel, une puissance incroyable que les autres sens n’ont pas. Vue, odorat-goût, toucher. Peut-être parce que l’ouïe est juste à cheval entre le sensible et l’intelligible ? Mais qu’est-ce qui est culturel, qu’est-ce qui est naturel ici ? Tandis que la vue est devenue trop cortex. L’image reine ! Tandis que le toucher est resté plus reptilien ? Résumé grossier bien sûr.
Les explorations passionnantes des synthèses sonores, additive et soustractive, mais surtout modulation de fréquence de Chowning-Yamaha, étaient de belles invitations à l’abstraction. Il y a eu les années 70 et l’épopée psychédélique, aussi. Mais les synthèses les plus réalistes ont gagné la guerre des synthés (Roland ou Korg et leurs additives + échantillons) dans les années 80 pragmatiques. Bien sûr, il y a eu quantité d’explorateurs de ces musiques et sons étranges.
Mais il semble qu’on préfère l’exotisme des sons étrangers à l’étrangeté des sons impossibles, pourtant endémiques. Oui, les technologies occidentales nous sont endémiques ! Pour les derniers résistants ou pour les futurs créateurs, la synthèse par modélisation physique est une belle promesse de renversement de la matière et de ses bruits : il s’agit grâce à elle de proférer de sons matériellement réalistes mais qui seraient produits par des instruments virtuels, donc inexistants voire invraisemblables. Une guitare grande comme une cathédrale ou une nano-percussion… Rendez-vous des vents, percussions et cordes chimères. Tout est permis !

15 avril 2015 improviser la musique serait une pratique naturelle, comme le dialogue parlé. Une discussion n’est pas écrite à l’avance. On peut vouloir parler de quelque chose, mais on ne sait jamais où notre interlocuteur nous emmènera. Ainsi, passées les premières politesses, le bonjour, le comment vas-tu ? et peut-être deux ou trois remarques sur le temps qu’il fait, l’art improvisé de la discussion s’installe. Les préliminaires météorologiques ont aussi leur sens en musique : ils sont là pour prendre en compte l’autre, son moral, son énergie et ses désirs. Il s’agit d’établir un échange. Le plaisir d’écouter, de répondre, de reformuler, appuyer ou contrer, nier ou approuver, s’exclamer, rire, se taire aussi, et même se taire ensemble, tout cela se conjugue dans la dialectique de l’improvisation de la discussion.

22 février 2015 l’impro est toujours invitée lorsque l’art se renouvelle.

22 février 2015 si l’émotion esthétique est liée à la mémoire, on comprend la difficulté qu’il y a à défendre l’improvisation. Pourtant, celle-ci joue avec le feu, le feu du sensible et de la première émotion, peut-être la plus vraie, en tout cas celle qui n’est pas encore repeinte de culture. Bien sûr, improviser n’est jamais réinventer totalement, mais rien n’interdit de s’approcher des frontières de l’incertain, de l’accident, mais aussi du goût, du bien ou du mal-être, du grossier, du broussailleux non-défriché… autant d’arguments en faveur de l’improvisation artistique créatrice.

15 janvier 2015 écouter de la musique, oui ! Écouter de la musique tout le temps ! Musique partout ! Certains vont hurler – merci, hurler est encore musique ! – contre les musiques pour ascenseur, supermarché et aéroport, contre les musiques faciles et au kilomètre. Mais on peut faire des muzaks toujours inspirées, Brian Eno l’a montré. Pourtant, j’insiste, la musique est partout, et elle est partout souhaitable.
Parce que le silence s’écoute encore comme une musique. Et chaque bruit aussi, comme on touche une matière, comme on respire une odeur. L’oreille ne se clôt jamais. Pas le choix ? Le son devient musique, parce qu’on le décide, et il offre merveilleusement de vivre au présent.

26 décembre 2014 la peinture prend le temps de sécher tandis que la musique est donnée toute mouillée. L’enregistrement sonore et sa reproduction ont permis d’ouvrir un champ à la musique qui était alors réservé à l’écriture et au dessin. La musique était uniquement un art de l’instant, rivée au temps. Seule la mémoire pouvait en rendre compte. Écriture et arts plastiques peuvent au contraire, depuis qu’ils existent, s’élaborer sur le bureau, dans l’atelier ou dehors sur des carnets, ils peuvent s’évaluer, se jeter honteusement ou se conserver, se repentir, se mettre de côté, se reposer, et s’y remettre pour se parfaire.
Ces cent dernières années, peut-être un peu plus, ont proposé à la musique de se concevoir comme un art différé, un art en deux temps, le temps de la création, puis celui de l’exposition. Le phénomène est très intéressant parce que la partition n’y suffisait absolument pas, l’enregistrement audio est autrement plus fidèle ! Il ne faut pas négliger l’influence de ces technologies sur l’élaboration de l’art. L’ingé son est un artiste à côté des musiciens. Un art de conserve selon certains, une mise en boîte ou de la musique en tube, sans doute, mais, et les conservatoires ?

28 novembre 2014 l’inconvénient avec un art d’improvisation essentiellement sensible, c’est l’absence de projet. L’incertitude. Il n’y a que le moment présent, des interactions. Quelques échos permettent quelques délais mais cela ne fait pas un discours.
Mais !
Mais, qui a dit qu’il fallait absolument un projet et son but ? Et pourquoi pas introduction, thèse et antithèse, et conclusion ? Voilà un postulat très culturel qu’il faut remettre en cause. La qualité du présent vaut bien un éventuel futur, éventuellement meilleur, de ce projet. On est certain en tout cas que le plaisir existe dans l’instant, et que le désir veut un futur le plus proche possible. On devrait rebaptiser l’improvisation « incertitude volontaire ».
Mais. Tout artiste sent confusément qu’il va quelque part, sans trop savoir où mais tant pis. Vas-y, aies confiance ! Au moins, tu te rencontreras un peu toi-même.

23 novembre 2014 certains instruments se prêtent mieux que d’autres au renouvellement. Je pense bien aux instruments, pas aux musiciens et à ce qu’ils parviennent à exprimer de leurs instruments, ni aux pratiques ou aux genres musicaux. La guitare aurait pu rester phagocytée par l’Espagne ou capturée par l’Amérique acoustique profonde, mais l’électricité l’en a sauvé de justesse, et des génies comme Jimi Hendrix l’ont propulsé tellement plus loin. Suffisait-il de les brancher ? Au propre comme au figuré.
Le piano me semble être le plus résistant. Je ne parle pas des claviers électroniques, disons qu’ils sont plutôt les descendants des orgues et des harmoniums, qui exploraient déjà d’autres voies. Le piano, même préparé, a du mal à s’en sortir. De la même manière qu’il est lourd et difficile à déménager, il est lourd et difficile à « exfiltrer » de ses traditions. Les premiers jazz l’ont bien réveillé… mais après ? John Cage ne l’a pas renouvelé, il n’a pas créé un genre pour le piano mais un genre tout entier, dont le piano est peut-être le plus mauvais élève. Et Cage a fait du Cage, bien sûr.
Les vents, grâce à l’amplification, ont eu recours à la respiration et aux petits sons inaudibles auparavant. Les percussions sont sans doute les plus aptes à trouver de nouvelles voies, dès lors qu’elles parviennent à ne plus obéir forcément au diktat du tempo. Et la voix ? Elle est toujours cet hybride, comme en chanson, entre le son et le langage, entre les sons et leurs sens, les mots. Comme tout hybride, comme toute chimère, elle est promesse de renouvellement.

3 septembre 2014 j’aimerais quelques fois que le son du souffle, très présent avec la trompette jouée doucement, n’y soit pas. Ce souffle donne une belle matière au son. Très organique, il lui donne un corps, il « frotte » et le colle à la biologie. Mais il interdit aussi, parfois, au son de prendre son envol. Les orgues ont été conçues pour cela, décorporées, sinusoïdes pures.
La trompette devient un velours lorsque l’entremêlement du cuivre doux et de ce souffle sont maîtrisés. Oublions la trompette fanfare, pensons à Chet Baker, Palle Mikkelborg ou Nils Petter Molvaer.
La prise de son classique de la trompette place le microphone un peu éloigné pour éviter de capter ce souffle qui est considéré comme malpropre. Mais le musicien doit alors jouer plus fort, donc aussi plus brillant, sans doute. C’est le son classique, qu’on peut toujours entendre par exemple chez Markus Stockhausen. Aujourd’hui, on évite moins la matière, comme si on voulait plus de réalité. C’est vrai des percussions aux vents, en passant par le piano et ses marteaux, et son meuble. Et la voix bien sûr ! Les techniques étendues exploitent d’ailleurs très souvent ce filon.

10 août 2014 on catégorise très souvent les musiques à travers les instruments voire les technologies qui les produisent : cordes, vents, ou bien acoustique, électrique, puis électronique. Cette dernière, l’électro, n’est d’ailleurs pas franchement digérée. Les jeunes ne l’entendent pas comme les vieux : les contemporains des institutions ne l’exploitent pas, mais alors pas du tout, comme les jeunes du dance floor ! Si on évite tout dogme, toute académie, toute appartenance ou toute habitude, tout est bon à prendre qui excite l’oreille et le cœur. Le joyeux mélange, sans hiérarchie ni préjugé, de tout ce qui peut faire son, est excellent pour la création.
Mon fils écoutait lorsqu’il avait 11 ans des tubes de sa génération, Coldplay, David Getta, etc., et au milieu de sa playlist survivait un Bob Marley, même pas remixé ! Il était aussi frais qu’autrefois, et mon fils ne savait pas que c’était un vieux truc. Son oreille d’enfant n’avait pas nos repères et ne discernait pas les générations. Et je me demande s’il n’était pas capable à ce moment-là d’écouter Survival mieux que je ne saurais jamais le faire ! On dit que le recul donne de la perspective, c’est vrai, mais l’ignorance permet de tout mettre à plat…
Il faudrait savoir aborder instruments et technologies avec la même innocence, comme des iconoclastes. C’est même le meilleur moyen de se les approprier véritablement !
Je sais bien que des technologies induisent des cultures : âge de pierre, agriculture, industrie et vapeur, pétrole, numérique… Mais je ne sais pas trop quoi penser de la valeur des cultures trop induites. Par exemple, le rock pouvait s’électrifier sans pour autant adopter le rythme des marteau-piqueurs.

24 juillet 2014 il faudrait le dire avec plus d’égards, mais ces musiques pseudo-orientales, qui accompagnent yoga et baguettes d’encens, et qu’on distribue en occident, sont lamentables de clichés et de manque de singularité. Pas de personnalité dans ces productions. Mais après tout c’est cohérent puisque, dans ce mysticisme exotique, on recherche la dilution de la personnalité. Cette dilution de l’individu, celui qu’on ne souhaite pas, dont on ne sait pas quoi faire, qu’on apprend mal à porter avec soi, dans un grand tout insipide. L’Occident a choisi une autre voie. Je revendique mon occidentalité, puisque j’y suis né et que j’ai été structuré par lui. J’en profite, un peu comme l’autre adoptait la religion de son roi. L’occident ? Des civilisations qui ont permis l’émancipation de l’individu du clan, possessif et oppressant. L’individu qui voudrait fondre son ego comme un glaçon au soleil devrait apprendre à écouter les sons qui l’environnent plutôt que des exportations zen douteuses. Ou le silence ? Mais non, le silence renvoie tellement à la solitude qu’il ne propose pas de s’oublier.

14 juillet 2014 l’instrument. Depuis que je pratique la trompette, c’est comme si ma musique avait pris corps. Et la trompette est assez physique, assez éprouvante physiquement pour le réclamer, avec le souffle et la colonne d’air, la bouche et les lèvres, et de l’embouchure au pavillon en passant par les pistons, et toutes les imperfections organiques et mécaniques qui impriment le son produit ! Incorporé, le son est maintenant lié à l’objet qui le produit. Pourtant, il ne faudrait pas oublier l’étymologie de l’instrument : mis au service de. Ce plaisir de la matière et du corps, je l’ai toujours cherché, même il y a 30 ans, en peinture, avec ses textures qui proposaient aux yeux ce que les doigts et le toucher ressentent.
Mais je ne veux pas effacer l’envie d’explorer le son dans sa plus étrange liberté. Celle où il n’est soumis à aucune cause qui le produit. Le son pour lui-même, sans référence.
Le numérique offre ces possibilités. Dans les années 80, la synthèse FM, avec les fameux synthétiseurs DX de Yamaha, était ce qui permettait le mieux cette liberté : les opérateurs modulés en fréquences permettaient de s’approcher de la structure du son, à la façon d’un microscope plongeant dans la matière. Il y avait dans ces recherches une compréhension finalement instinctive du son, curieusement, alors même qu’il était tout à fait abstrait. C’était l’empirique de l’oreille qui écoute, et non l’empirique du son conséquent d’une cause : vent, bois, corde, percussion. Finalement, la technologie de l’échantillonnage a balayé cette génération. Un peu comme le trompe-l’œil a fait en peinture.

3 juillet 2014 La trompette ne permet qu’une seule note à la fois… et tant mieux ! À l’occasion de la découverte de cet instrument, il y a 7 ans, je suis allé vers des réalisations plus simples. Épurées. Les sculptures sonores d’autrefois sont moins travaillées pour elles-mêmes que comme support de l’instrument acoustique. Je garde l’amour des textures et du grain du son, du field recording arrangé, le goût de la spatialisation. Mais parfois, l’accompagnement se résume à une sorte de bourdon. La plupart du temps, la trompette est improvisée, guidée par la trame de l’accompagnement. Parfois, c’est l’accompagnement qui est fabriqué après coup, ou retravaillé. De son côté, la trompette devra trouver plus de simplicité, plus de douceur aussi, grâce au travail sur le souffle et la colonne d’air. Quelques fois son timbre tient plus du nez bouché que du velours. Les délais et autres effets sur cette trompette, que j’essaie de bien écouter et de laisser courir, m’aident à chercher dans ce sens.
Deux voies se dessinent pour l’avenir : une recherche franchement mélodique et tonale… ces petits airs mignons et un peu cons d’un côté, et un travail plus contemporain où je me débarrasserais peut-être mieux des tyrannies du son propre. Recherche de techniques étendues de la trompette et midification, du rythme et de mélodie. Donc finalement du discours.

« Ô muse, conte-moi l’aventure de l’homme inventif qui erra si longtemps… qui visita bien des cités, connut bien des usages, et eut à endurer bien des souffrances sur les mers… » Homère, Odyssée.

màj le 18 décembre 2024 à 21h47 Creative Commons by-nc-sa